LA FRANCE PITTORESQUE
Bientôt, des appartements
avec station de Métro ?
(D’après « L’Intransigeant », paru en 1906)
Publié le lundi 7 novembre 2016, par Redaction
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En 1906, Monsieur Bienvenue, ingénieur en chef du Métropolitain, accorde une interview à un journaliste de l’Intransigeant, et aborde la question de la construction de stations de Métro pour desservir immeubles, music-hall ou tavernes...
 

Monsieur Bienvenue quittait la préfecture de la Seine, lorsque, au sortir d’un embarras de voitures, près de la caserne Lobeau, il nous trouva dressé devant lui, rapporte Félix Méténier de l’Instransigeant :

– Allons ! s’exclama-t-il, déjà résigné, mais toujours souriant. Je vous vois venir. Une interview, sans doute ?

– On ne peut rien vous cacher !

Sans attendre la réponse, M. Bienvenue avait commencé à nous apprendre que le second tronçon de la ligne circulaire Sud venait d’être « reçu par la commission compétente » et il complétait ses explications en ajoutant que la mise en exploitation du métro entre la place d’Italie et le mont d’Austerlitz aurait lieu dans deux ou trois jours au plus tard, lorsque nous l’interrompîmes :

– Tout ceci est évidemment intéressant, mais il est un autre sujet dont nous voudrions vous entretenir.

– Et lequel ?

– celui qui touche au projet de M. Antoine, le nouveau directeur du théâtre de l’Odéon. Vous n’ignorez pas sans doute que M. Antoine a l’intention de faire communiquer son théâtre, par un souterrain, avec le Métropolitain ?

– L’idée est amusante !

– Sans doute. Mais la jugez-vous réalisable ?

Place de l'Opéra et station de Métropolitain

Place de l’Opéra et station de Métropolitain

En conversant, chemin faisant, nous étions arrivés, rue de Rivoli, dans les bureaux du service technique du métropolitain. M. Bienvenue avait gagné son cabinet de travail et là, penché sur un vaste plan du VIe arrondissement de la capitale, il répondit à notre question :

– M. Antoine, sans doute, a songé à relier l’Odéon avec la ligne n°4 du Métropolitain ? – celle que nous construisons en ce moment et qui ira de la porte Clignancourt à la porte d’Orléans, en traversant la Seine au Pont au Change et en desservant le boulevard Saint-Germain jusqu’à la rue de Rennes. – L’idée, je vous le répète, est amusante. Vous me demandez si elle peut être réalisée ? Pourquoi pas ?... à la condition que M. Antoine veuille assumer la charge des frais que nécessitera le percement de la galerie.

– Seront-ils élevés ?

L’ingénieur en chef fit un bref calcul.

– Nous aurons, reprit-il, une station du Métropolitain boulevard Saint-Germain, sur le terre-plein limité par les statues de Broca et de Danton, entre ce terre-plein et l’Odéon, la distance est exactement de 300 mètres. La galerie reviendrait à cent mille francs !

– Cent mille francs !

– Mais oui. Et c’est là un prix minimum qui pourrait largement être dépassé pour peu que nous nous trouvions en présence de la moindre difficulté de travaux.

M. Bienvenue s’amusait de notre étonnement :

– Le directeur de l’Odéon, ajouta-t-il, n’est pas le premier à avoir pensé à relier le Métropolitain à un théâtre. Nous sommes saisis en ce moment, par exemple, d’une demande faite par un directeur de musci-hall et de taverne qui comporte le même objet. Il est probable que satisfaction lui sera donnée comme elle sera vraisemblablement accordée aux directeurs de deux grands magasins de nouveautés qui sollicitent l’autorisation de faire percer une galerie, l’un entre son établissement et la ligne n°3, l’autre entre ses magasins et la ligne n°7.

– N’existe-t-il pas d’autres projets ?

– Pas à ma connaissance, mais il est bien certain qu’un jour ou l’autre l’Opéra, placé à proximité du croisement de trois des plus importantes lignes du réseau, sera relié par une souterrain à la gare du Métropolitain.

– Et si le principe se généralisait ? S’il plaisait à certains propriétaires d’immeubles de réclamer la mise en communication directe avec le Métro ?...

– Rien ne le leur interdirait légalement, toujours à la condition qu’ils consentissent à payer tous les travaux et, de plus, à assumer les frais de surveillance supplémentaire que ne manquerait pas de réclamer la compagnie qui exploite le réseau.

Ne désespérons donc pas ! Le temps est proche où les écriteaux alléchants qui nous promettent des appartements pourvus de tout le « confort moderne », avec « eau, gaz, électricité, téléphone et ascenseur à tous les étages » s’augmenteront d’une nouvelle mention : « Station spéciale du Métropolitain ! »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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