LA FRANCE PITTORESQUE
16 novembre 1700 : Louis XIV
accepte le testament de Charles II,
roi d’Espagne
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Publié le mercredi 14 novembre 2012, par Redaction
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Après la mort de Charles II, roi d’Espagne, la régence dépêcha un courrier à Louis XIV, pour lui porter le testament du feu roi, et presser le départ du duc d’Anjou. Le marquis de Castel Dosrios, ambassadeur d’Espagne, eut une audience particulière du roi, qui ne lui répondit que ces mots : M. l’ambassadeur, je verrai. « Je n’aurais jamais cru, dit ce ministre en sortant du cabinet, qu’en offrant vingt-deux royaumes, je pusse avoir pour toute réponse, je verrai. »

La cour attendait avec impatience le dénouement de cette grande affaire. Le roi étant revenu de Fontainebleau, choisit, pour déclarer sa résolution, un mardi, jour auquel les ambassadeurs se rendaient à Versailles. A neuf heures et demie du matin, il fit entrer dans son cabinet celui d’Espagne, et lui dit : L’heure est venue de faire un roi. Ensuite il appelle le duc d’Anjou, qui était dans l’arrière-cabinet avec les princes ses frères : « Mon fils, lui dit-il, c’est Dieu seul qui vous a fait roi ; songez à le faire régner dans tous les lieux où vous allez commander ; et vous, M. l’ambassadeur, saluez votre roi. » Soudain l’ambassadeur met un genou en terre, baise les mains au duc d’Anjou, et lui fait un long compliment en espagnol. Le roi prend la parole, et dit :

« Il n’entend pas encore l’espagnol ; il faut que je réponde pour lui. S’il suit mes conseils, vous serez un grand seigneur, et bientôt ; en attendant, il ne peut mieux faire que de suivre les vôtres. » Les ducs de Bourgogne et de Berry s’avancèrent et se jetèrent au cou de leur frère, en exprimant par leurs larmes la joie qu’ils avaient de son élévation, et le regret qu’ils avaient de le perdre. Ce fut alors que le duc d’Anjou dit au duc de Bourgogne : « Je suis roi d’Espagne, vous serez roi de France, il n’y a que ce pauvre Berry qui ne sera rien. » Celui-ci répondit : « Moi, je serai prince d’Orange, et je vous ferai tous deux enrager. »

A dix heures les portes du cabinet s’ouvrirent ; les courtisans entrèrent en foule ; tous les regards se portèrent sur Louis XIV qui, prenant par la main le duc d’Anjou, dit avec la majesté du maître de l’univers : « Messieurs, voilà le roi d’Espagne, la nature l’a fait, le feu roi le nomme, les peuples le demandent, et j’y consens. Et vous, Monseigneur, ajouta-t-il, soyez bon espagnol, c’est à présent votre premier devoir ; mais n’oubliez pas que vous êtes né français, souvenez-vous-en, pour entretenir l’union entre les deux couronnes : que l’Espagne et la France, heureuses l’une par l’autre, affermissent à jamais le repos de l’Europe. »

Le nouveau roi s’occupa d’apprendre, le plus rapidement qu’il lui fut possible, la langue du pays qu’il allait gouverner. Il la saura bientôt, dit Louis à l’ambassadeur d’Espagne. Ah ! Sire, reprit l’ambassadeur, c’est présentement aux Espagnols à apprendre le français.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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