LA FRANCE PITTORESQUE
10 novembre 1793 : première
fête de la Raison
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Publié le vendredi 9 novembre 2012, par Redaction
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La première fête de la Raison fut célébrée le premier décadi, qui suivit l’abolition du culte catholique. Les inventeurs du culte nouveau ordonnèrent la cérémonie de manière à frapper vivement les imaginations. L’imprimeur Momoro, fanatique de raison, livra sa jeune et belle femme pour figurer la déesse.

Portée sur un siège antique, vêtue d’une tunique blanche et d’un manteau bleu, les cheveux flottants et surmontés du bonnet rouge, précédée de musiciens et de peuple, entourée de jeunes filles couronnées de roses, et suivie des autorités, des sections, et de détachements de soldats, Mme Momoro, après une station bruyante dans le temple de la Raison, fut conduite à la Convention et déposée vis-à-vis du président.

La fête de la Raison dans Notre-Dame de Paris le 10 novembre 1793, par Charles-Louis Müller

La fête de la Raison dans Notre-Dame de Paris le 10 novembre 1793, par Charles-Louis Müller

Alors Chaumette s’avança et prononça ce discours qui mérite d’être rapporté. « Vous l’avez vu, citoyens législateurs, le fanatisme a lâché prise et a abandonné la place qu’il occupait à la Raison, à la justice, à la vérité ; ses yeux louches n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière, il s’est enfui. Nous nous sommes emparés des temples qu’il nous abandonnait, nous les avons régénérés. Aujourd’hui tout le peuple de Paris s’est transporté sous les voûtes gothiques, frappées si longtemps de la voix de l’erreur, et qui, pour la première fois, ont retenté du cri de la vérité.

« Là, nous avons sacrifié à l’égalité, à la liberté, à la nature ; là, nous avons crié vive la Montagne, et la montagne nous a entendus, car elle venait nous oindre dans le temps de la Raison [la Convention venait de décréter qu’elle assisterait en corps à la fête de la Raison] : nous n’avons point offert nos sacrifices à de vaines images, à des idoles inanimées, non, c’est un chef-d’œuvre de la nature que nous avons choisi pour la représenter, et cette image sacrée a enflammé tous les cœurs.

« Un seul vœu s’est fait entendre, un seul cri s’est élevé de toutes parts : plus de prêtres, plus de dieux que ceux que la nature nous offre ! Nous, les magistrats, nous avons recueilli ce vœu, nous vous l’apportons. Du temple de la Raison, nous venons dans celui de la loi, pour fêter encore la liberté ; nous vous demandons que la ci-devant métropole de Paris, soit consacrée à la Raison et à la liberté. » Après ces paroles, qui excitèrent le plus vif enthousiasme, le cortège, grossi de tous les membres de la Convention, se remit en marche et alla chanter encore une hymne républicaine dans le temple de la Raison.

Dans toutes les parties de la République, la Raison eut aussitôt ses autels et ses fêtes, et pendant quelques mois, la Raison fut la seule divinité de la France, à la grande terreur des jeunes filles timides et des femmes modestes, que la crainte engageait à accepter le rôle de déesse. On courait à des cérémonies, comme à une mascarade. Mais c’était peu connaître les Français que de proposer à leurs hommages sérieux telle femme qu’ils avaient applaudie à l’Opéra. Le culte nouveau ne se maintint que jusqu’à la reconnaissance de l’Etre Suprême (fête de l’Etre Suprême le 8 juin 1794).

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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