LA FRANCE PITTORESQUE
8 novembre 1719 : mort du
mathématicien Michel Rolle
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 36), édition de 1843-1847)
Publié le jeudi 3 novembre 2016, par Redaction
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Résolvant âgé de moins de 30 ans l’un des problèmes mathématiques posés par le célèbre Jacques Ozanam, Michel Rolle s’attira ainsi la bienveillance de Colbert et put poursuivre dans une voie bien éloignée de la carrière d’homme de loi à laquelle son père le destinait
 

Né à Ambert, en Auvergne, le 21 avril 1652, ce mathématicien français montra dès sa plus tendre jeunesse de rares dispositions pour les sciences exactes. Le génie des nombres et l’instinct des plus abstraites combinaisons étaient chez lui un don de nature.

Michel Rolle eut comme tant d’autres à lutter contre la volonté de son père, marchand peu aisé qui voulait en faire un homme de loi. La vocation fut plus forte que l’obéissance filiale ; elle fit de Michel Rolle un grand mathématicien. Venu à Paris à vingt-trois ans, les premiers et difficiles combats de sa vie laborieuse le relevèrent au lieu de l’abattre. « Tout ce qu’elle pouvait dérober au sommeil, dit Fontenelle, sa passion dominante le prenait à ses nuits pour le donner au travail, allant toujours plus avant dans la science qui devait l’illustrer. »

Rolle se fit d’abord connaître par la solution d’un problème des plus abstraits proposé par le célèbre Jacques Ozanam : « Trouver quatre nombres tels que la différence de deux quelconques soit un carré, et que la somme de deux quelconques des trois premiers soit encore un carré. ». Rolle fit preuve à cette occasion d’une telle aptitude et d’une si merveilleuse habileté que son nom se répandit dans le monde des sciences et attira l’attention de Colbert lui-même. La bienveillance du grand ministre alla chercher dans sa modeste retraite le jeune homme tout à l’heure obscur et inconnu. Colbert justifiait par là cette parole qu’on a dite de lui : « Qu’il avait partout des espions pour découvrir le mérite caché. »

Traité d'algèbre de Michel Rolle

Traité d’algèbre de Michel Rolle

Sous ce haut patronage, Michel Rolle put avec sécurité continuer sa vie, tout entière occupée à ses chères études. Chargé plus tard de l’éducation de deux des fils de Louvois et pourvu par de Barbesieux d’un emploi au bureau de l’extraordinaire de la guerre, il sacrifia bientôt cette faveur et cette position lucrative à l’intérêt exclusif de la science, qu’il faisait passer avant le sien.

Libre désormais de toute sujétion et de toute entrave, ses travaux acquirent une si haute importance et son nom une telle autorité que l’Académie des sciences acheva ce que Colbert avait commencé. Elle élut et appela dans son sein Michel Rolle, qui devint tout aussitôt un de ses membres les plus actifs, les plus résolus et les plus remarqués. « Rolle, dit encore Fontenelle, avait surtout la passion et le génie de l’algèbre ; il pénétrait avec une ardeur inouïe et un courage infatigable dans ses ténébreux abîmes. »

Cette vaillance sans repos ce savoir entreprenant donnèrent un grand crédit et un premier rang à Michel Rolle dans les discussions intérieures de l’Académie, livrée à des luttes ardentes sur des questions controversées d’algèbre et de géométrie, et particulièrement sur les infiniment petits et la géométrie de Descartes, alors très vivement attaquée et défendue. Michel Rolle s’y montra un athlète redoutable. Quand il arrivait à l’Académie, on sentait, suivant une autre expression de Fontenelle, « qu’il fallait se préparer à combattre. » Il disait nettement et géométriquement son avis sur les ouvrages les plus célèbres, mais déjà vieillis et dépassés par les découvertes nouvelles et les progrès du temps.

Rolle fut donc un de ces esprits fermes, intrépides, sagaces, intelligents adversaires de la routine, qui vont toujours à la découverte et sont vigoureusement armés pour les combats et les victoires de la science. C’est par là qu’il mérite d’être compté parmi ces hommes d’élite qui l’ont honorablement servie de leurs lumières et de leurs travaux. Les principaux ouvrages de Michel Rolle sont : Traité d’algèbre ; Examen de la géométrie de Descartes ; Méthode pour résoudre les questions indéterminées de l’algèbre ; Méthode pour résoudre les égalités de tous les degrés ; Explications nouvelles pour former les courbes géométrique ; Règles de l’algèbre, et un grand nombre de mémoires épars dans l’Histoire de l’Académie des sciences.

Il se préparait à publier de Nouveaux éléments d’algèbre, lorsqu’il mourut le 8 novembre 1719 d’une attaque d’apoplexie, à l’âge de 67 ans. « Ses mœurs, dit encore Fontenelle, furent telles que les forment un grand attachement à l’étude et l’heureuse privation du commerce du monde. » Il eut Mairan pour successeur à l’Académie.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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