LA FRANCE PITTORESQUE
16 novembre 1695 : mort du
théologien Pierre Nicole
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Publié le samedi 13 octobre 2012, par Redaction
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Pierre Nicole, né à Chartres le 19 octobre 1625, fut un des plus célèbres écrivains de Port-Royal. Il travailla en société avec le célèbre Arnauld à plusieurs ouvrages, soit en faveur de Jansénius, soit contre les jésuites ou les calvinistes.

La mort de la duchesse de Longueville, la plus ardente protectrice du jansénisme, arrivée en 1679, lui donna du dégoût pour la France : « J’ai perdu, dit-il, tout mon crédit ; j’ai même perdu mon abbaye, car cette princesse était la seule qui m’appelât Monsieur l’abbé. » Il quitta son pays au printemps de la même année.

Cette retraite ne fut pas tout à fait volontaire ; mais après différentes courses, il obtint la liberté de revenir à Chartres, et ensuite à Paris. Il entra dans les deux querelles célèbres qui partageaient alors l’Eglise, et même la nation. Il défendit les sentiments de Mabillon dans la première, et ceux de Bossuet dans la seconde, mais sans donner dans les emportements ordinaires aux écrivains polémiques. « Je n’aime pas, disait-il, les guerres civiles. »

Ce qu’il a écrit contre les jésuites ou pour Jansénius, n’est guère lu aujourd’hui ; mais ses Essais de Morale, qui sont utiles au genre humain, ne périront pas. La justesse et la méthode brillent dans cet ouvrage ; ses raisonnements sont pleins d’une force qui subjugue et entraîne. Il va de principe en principe, de conséquence en conséquence ; aussi, disait un incrédule très connu, « quand on le lit, il faut prendre garde à soi ; car si on lui passe quelque chose, on est bientôt confondu : arrêtez-le dès le premier pas. »

Cet homme, si fort la plume à la main, était un second La Fontaine dans la conversation : il sentait lui-même qu’il n’y brillait pas ; il disait au sujet de Tréville, homme d’esprit, et qui parlait bien : « Il me bat dans la chambre, mais je ne suis pas plutôt au bas de l’escalier, que je l’ai confondu. »

Sa candeur et son ingénuité naturelles lui faisaient commettre des imprudences qui n’amusaient guère ceux qui en étaient l’objet. Une jeune demoiselle était venue le consulter sur un cas de conscience un peu délicat ; au milieu de l’entretien, arrive le père Fouquet, fils du fameux surintendant, et confesseur de Nicole. Du plus loin que celui-ci l’aperçoit : « Ah ! mademoiselle, s’écria-t-il, voici quelqu’un qui résoudra parfaitement votre cas ! » Et aussitôt il conte au père Fouquet toute l’histoire de la jeune demoiselle.

Vers la fin de sa vie, il se logea dans le faubourg Saint-Marceau. La France était alors en guerre avec toute l’Europe : quelqu’un lui ayant demandé pour quelle raison il s’était établi à l’extrémité de Paris ; « c’est, répondit-il, que les ennemis qui ravagent tout en Flandres, et qui menacent la capitale, entreront d’abord par la porte Saint-Martin, et que les habitants de l’autre bout de Paris auront le temps de décamper. »

Les meilleurs ouvrages sortis de sa plume sont : 1° Les Essais de morale. Le chapitre des moyens de conserver la paix dans la société est regardé par Voltaire comme un chef-d’œuvre auquel on ne trouve rien d’égal en ce genre dans l’antiquité ; mais cette paix est aussi difficile à établir que celle de l’abbé de Saint-Pierre. 2° La Perpétuité de la foi de l’Eglise catholique touchant l’Eucharistie, en commun avec Arnauld. 3° Les Préjugés légitimes contre les Calvinistes. Le célèbre Claude répondit à ces deux ouvrages. Nicole travailla aussi à des sermons qu’il vendait à l’abbé de Roquette, lequel n’eut pas à se louer de sa discrétion. On connaît l’épigramme de Boileau, imitée de Martial :

On dit que l’abbé Roquette
Prêche les sermons d’autrui ;
Moi qui sais qu’il les achète,
Je soutiens qu’ils sont à lui.

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