LA FRANCE PITTORESQUE
13 octobre 1492 : première entrevue
des habitants du Nouveau-Monde
avec ceux de l’ancien
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Publié le jeudi 11 octobre 2012, par Redaction
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Ce récit fait suite à l’article sur la découverte de l’Amérique (voir la journée du 12 octobre 1492).

Au lever du soleil, toutes les chaloupes garnies d’hommes et armées, s’avancèrent vers l’île, enseignes déployées, au son d’une musique militaire et avec tout l’appareil guerrier. A mesure qu’on approchait de la côte, on la voyait se couvrir d’habitants attirés par la nouveauté du spectacle, et dont les attitudes et les gestes exprimaient l’étonnement et l’admiration des objets extraordinaires qui frappaient leurs yeux.

Colomb fut le premier européen qui mit le pied dans le Nouveau-Monde qu’il venait de découvrir. Il débarqua richement habillé, l’épée à la main, ses compagnons à sa suite ; tous baisèrent la terre après laquelle ils soupiraient depuis si longtemps. Ils élevèrent un crucifix, et se prosternant, remercièrent Dieu du succès heureux de leur voyage. Ils prirent ensuite, solennellement, possession du pays pour la couronne de Castille et de Léon, avec toutes les formalités que les Portugais avoient coutume d’observer dans toutes les découvertes qu’ils faisaient.

Découverte de l'Amérique par Christophe Colomb

Découverte de l’Amérique par Christophe Colomb

Pendant toutes ces cérémonies, les Espagnols étaient environnés d’un grand nombre de naturels du pays, qui regardaient en silence et avec admiration des actions auxquelles ils ne comprenaient rien, et dont ils ne prévoyaient pas les suites. L’habillement des Espagnols, la blancheur de leur peau, leur barbe, leurs armes, tout les étonnait. Ces grandes machines sur lesquelles ces étrangers venaient de traverser l’Océan, qui semblaient §e mouvoir sur les eaux avec des ailes, et qui portaient au loin le bruit terrible, semblable à celui du tonnerre, et accompagné d’éclairs et de fumée, les frappèrent d’une telle terreur qu’ils commencèrent à respecter leurs nouveaux hôtes comme des êtres d’un ordre supérieur, et comme des enfants du soleil, descendus pour visiter la terre.

Les Européens n’étaient guère moins étonnés des objets qu’ils avaient sous les yeux. L’herbe, les arbustes, les arbres étaient différents de ceux d’Europe. Le sol paraissait de bonne qualité, mais ne présentait presque aucune marque de culture. Le climat semblait chaud aux Espagnols eux-mêmes, quoique extrêmement agréable ; les habitants étaient dans toute la simplicité de la nature, entièrement nus ; leurs cheveux noirs, longs et droits, flottaient sur leurs épaules, ou étaient attachés en tresses autour de leur tête ; ils n’avaient point de barbe, et tout le reste de leur corps était absolument sans poil. Leur teint était de couleur de cuivre foncé ; leurs traits singuliers plutôt que désagréables ; leur physionomie douce et timide ; leur visage et d’autres parties de leur corps étaient bizarrement peints de couleurs éclatantes.

La crainte les tint d’abord dans la réserve, mais bientôt ils se familiarisèrent avec les Espagnols ; et reçurent d’eux, avec des transports de joie, des grelots, des grains de verre et d’autres bagatelles, pour lesquelles ils donnèrent en échange, quelques provisions et du fil de coton, la seule marchandise de quelques valeur qu’ils pussent fournir. Vers le soir, Colomb retourna à ses vaisseaux, accompagné par un grand nombre d’insulaires dans leurs bateaux, qu’ils appelaient canots, faits d’un seul tronc d’arbre, mais qu’ils maniaient avec une adresse surprenante.

Ainsi, dans cette première entrevue des habitants du Nouveau-Monde avec ceux de l’ancien, tout se passa en témoignages d’amitié et à la satisfaction des uns et des autres : ceux-ci, éclairés et ambitieux, se formant déjà de grandes idées des avantages qu’ils pouvaient retirer de ces nouvelles régions ; les premiers, simples et sans défiance, ne prévoyant pas les calamités et la désolation qui s’approchaient de leurs contrées.

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