LA FRANCE PITTORESQUE
6 octobre 1825 : mort du naturaliste,
musicien et homme politique
Bernard-Germain de Lacépède
(D’après « Biographie universelle ou Dictionnaire historique des hommes
qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus,
leurs erreurs ou leurs crimes » (Tome 7), édition de 1844)
Publié le vendredi 6 octobre 2023, par Redaction
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Il s’occupa de bonne heure d’histoire naturelle, se mit en correspondance avec Buffon, cultivait aussi les beaux arts, surtout la musique, et fut très souvent chargé de porter la parole à Napoléon, dont il fut l’un des plus chauds panégyristes
 

Savant naturaliste, musicien et homme politique, Bernard-Germain de Lacépède, né à Agen le 26 décembre 1756, était fils du comte du La Ville. Héritier d’un oncle maternel, il dut en prendre le nom. Il s’occupa de bonne heure d’histoire naturelle, se mit en correspondance avec Buffon, et cultivait aussi les beaux arts, surtout la musique, dont le célèbre symphoniste Bock lui avait donné des leçons.

Il n’avait que vingt ans, lorsqu’il vint en 1776 à Paris, et déjà il avait entrepris de remettre en musique l’Armide de Quinault ; mais il renonça à son projet quand il apprit que Gluck l’avait devancé. Il y continuait ses travaux scientifiques sous Buffon et ses études musicales sous Gossec, et il venait de faire paraître une Œuvre de symphonie concertante, quand sa famille obtint pour lui un brevet de colonel dans les cercles de l’empire (Bavière) : son service militaire dans ce grade se borna à deux voyages qu’il fit en Allemagne.

Il était fixé à Paris en 1781. A cette époque était en répétition son opéra d’Omphale, qu’il avait composé par les conseils du Gluck avec lequel il était très lié, mais qui cependant ne fut pas représenté. Dans le même temps il publia ses premiers écrits : Essai sur l’électricité naturelle et artificielle (1781) en 2 volumes, et Physique générale et particulière (1782), également en 2 volumes, ouvrages dont la forme pouvait plaire aux gens du monde, mais qui, n’étant point à la hauteur de la science, firent naître contre leur auteur des préventions tellement défavorables, que Lacépède s’empressa de racheter les exemplaires qui se trouvaient en circulation, pour n’avoir point à craindre que sa réputation en souffrît. Ce fut alors que Buffon, pour lui faciliter les études qu’il avait eu soin de compléter, lui offrit la place de garde et sous-démonstrateur du cabinet d’histoire naturelle, dont Daubenton jeune venait de se démettre. Quoique le poste parût au-dessous de ce que Lacépède avait droit d’espérer, celui-ci accepta.

Bernard-Germain de Lacépède, par Ambroise Tardieu

Bernard-Germain de Lacépède, par Ambroise Tardieu

Après avoir publié en 1785 la Poétique de la musique, il commença ses études d’histoire naturelle dont les résultats furent à la fois si glorieux pour lui et si utiles à la France. On vit paraître successivement l’Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares et des serpents (1788-1789), Histoire naturelle des reptiles (1789), Histoire naturelle des poissons (1798-1805), Histoire naturelle des cétacés (1804), que l’auteur regardait avec raison connue le plus complet et le plus méthodique de ses livres. Lacépède, dans ses descriptions, n’a pas le brillant de l’auteur qu’il continue ; mais il décrit exactement ; et l’on voit qu’il cherchait plus Il satisfaire celui qui veut s’instruire qu’à éblouir par un attrayant langage. Ces quatre ouvrages qui ont été publiés dans l’espace de 16 ans forment la suite et le complément de l’édition originale de Buffon, sortie des presses de l’imprimerie royale : ils ont été imprimés deux fois et presque toujours avec les Œuvres de Buffon, et ont été traduits en allemand.

A l’époque de la Révolution, Lacépède fut du nombre de ceux qui adoptèrent les idées de réforme. D’abord nommé par la section du jardin des Plantes commandant de bataillon, il présida ensuite les deux premières assemblées constitutionnelles, accepta la place d’administrateur de Paris, puis fut appelé à l’Assemblée législative, qui le choisit pour son président le 28 novembre 1791. On vantait beaucoup la modération des principes du Lacépède ; ce fut néanmoins sous sa présidence que cette assemblée fit une adresse au roi contre les émigrés réunis sur les bords du Rhin, et qu’elle décréta la formation de la haute cour d’Orléans, d’odieuse mémoire. Il refusa alors, dit-on, le poste difficile de gouverneur du dauphin. La session étant finie, Lacépède reprit ses occupations scientifiques, et se démit de toutes ses fonctions pour vivre dans la retraite.

En 1796, il fut nommé membre de l’institut de France, et trois ans après, celui de Bologne l’admit au nombre de ses associés. Chargé d’organiser l’expédition du capitaine Baudin, il désigna pour en faire partie deux jeunes savants, Bory de Saint-Vincent et Péron. Lors de l’établissement du consulat, Bonaparte appela le comte de Lacépède au sénat conservateur, dont il devint président en 1801 ; deux ans après, il fut nommé grand -chancelier de la Légion d’honneur, et en 1805, grand-aigle de cette même Légion : l’année précédente, il avait été créé titulaire de la sénatorerie de Paris.

Chargé très souvent de porter la parole à Napoléon, il fut un de ses plus chauds panégyristes, et il dut en grande partie les honneurs dont il fut investi à son éloquent enthousiasme pour celui qui les dispensait. Une seule fois cependant il osa, à la tête du sénat, parler de paix à Bonaparte : ce fut le 12 janvier 1814. Il s’exprima en ces termes : « Nous combattons entre les tombeaux de nos pères et les berceaux de nos enfants. Obtenez la paix, sire, et que votre main tant de fois victorieuse laisse échapper les armes, après avoir signé la paix du monde. » Ce conseil venait trop tard : les alliés foulaient déjà le sol de la France, et après avoir tout refusé au congrès de Châtillon, l’empereur ne pouvait plus parler de paix. Il touchait à sa chute. Lacépède suivit à Blois l’impératrice Marie-Louise, et envoya cependant plus tard son adhésion à la déchéance de Napoléon.

Le gouvernement provisoire priva Lacépède de sa charge de grand-chancelier de la Légion d’honneur, qui fut provisoirement donnée de Pradt. Le roi Louis XVIII l’en dédommagea, en le nommant pair le 4 juin 1814. Au retour de Napoléon de l’île d’Elbe, Lacépéde refusa la place de grand-maître de l’université, mais il siégea dans la nouvelle chambre des pairs, dont il fut exclu par l’ordonnance royale du 24 juillet 1815. Le roi Louis XVIII, toujours indulgent et ami de la science, l’y rappela quelque temps après.

Depuis ce moment, il ne joua pas un grand rôle dans les affaires publiques, et se livra exclusivement à ses études favorites. Au milieu de sa carrière politique, Lacépède avait continué ses travaux. On lui doit plusieurs Discours qu’il prononça comme professeur d’histoire naturelle au jardin des Plantes : il avait été nommé élève à l’école normale par les administrateurs de Corbeil après le 9 thermidor, et en 1795 on avait créé pour lui une 13e chaire au muséum d’histoire naturelle.

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