LA FRANCE PITTORESQUE
4 octobre 1611 : mort du
« cruel et méchant »
duc de Mayenne
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Publié le vendredi 28 septembre 2012, par Redaction
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Charles de Lorraine, duc de Mayenne, second fils de François de Lorraine, duc de Guise, né en 1554, se distingua aux sièges de Poitiers et de la Rochelle, et à la bataille de Moncontour ; après la mort funeste de Henri III, roi de France, il se déclara chef de la ligue contre Henri IV, et prit le titre de lieutenant-général de l’Etat et couronne de France.

Charles de Lorraine, duc de Mayenne

Charles de Lorraine, duc de Mayenne

Il fut battu à la journée d’Arques, à celle d’Ivry, et au combat de Fontaine-Française. Il fit enfin sa paix avec le roi, en 1596 ; elle eût été plus avantageuse pour lui s’il l’eût faite plus tôt. Mais quoique les historiens le regardent comme un grand homme, on a dit de lui qu’il n’avait su bien faire ni la guerre ni la paix.

Henri IV reçut le duc dans le parc de Mousseaux. Mayenne s’approcha du roi, fléchit le genou, demanda des excuses, donna des assurances de sa fidélité, et remercia Henri de l’avoir délivré de l’arrogance espagnole et des ruses italiennes. Sully rapporte dans ses Mémoires cette scène dont il fut témoin :

« Henri, dit-il, qui avait été à sa rencontre, lorsqu’il le vit, s’approcha, l’embrassa trois fois, se hâta de le faire relever, l’embrassa de nouveau avec cette bonté qui n’a jamais tenu contre un repentir ; puis le prenant par la main, il le promena dans son parc, où il l’entretint familièrement des embellissements qu’il allait y faire. Le roi marchait à si grands pas que le duc de Mayenne, également incommodé de la sciatique, de sa graisse, et de la grande chaleur qu’il faisait, ne traînant qu’à grande peine sa cuisse, souffrait cruellement sans oser rien dire.

« Ce prince s’en aperçut voyant le duc rouge et tout en sueur ; il me dit en se penchant vers mon oreille : Si je promène encore longtemps ce gros corps-ci, me voilà vengé sans grande peine de tous les maux qu’il nous a faits. Dites le vrai, mon cousin, poursuivit-il, en se tournant vers le duc de Mayenne, je vais un peu vite pour vous. Le duc lui répondit qu’il était prêt à étouffer, et que pour peu que S. M. eût encore continué, elle l’aurait tué sans y penser. Touchez-là, mon cousin, reprit le roi d’un air riant, en l’embrassant encore et lui frappant sur l’épaule, car pardieu, voilà toute la vengeance que vous recevrez de moi. Le duc de Mayenne, qu’une manière si franche pénétra vivement, fit encore ses efforts pour s’agenouiller, et pour baiser la main que S. M. lui tendait : il lui jura qu’il la servirait désormais contre ses propres enfants.

« Or sus, je le crois, lui dit Henri ; et afin que vous me puissiez aimer et servir plus longtemps, allez vous reposer au château, et vous rafraîchir, car vous en avez bon besoin : je vais vous faire donner deux bouteilles de vin d’Arbois, car je sais que vous ne le haïssez pas. Voilà Rosny que je vous baille pour vous accompagner, faire l’honneur de la maison, et vous mener en votre chambre : c’est un de mes plus anciens serviteurs, et un de ceux qui reçu le plus de joie de voir que vous vouliez me servir et m’aimer de bon cœur. » Le roi continua sa promenade dans le fond du parc, et me laissa avec le duc de Mayenne que je fis reposer dans un cabinet de verdure, et ensuite reconduire à cheval au château, aussi content du roi et de moi, que nous l’étions tous deux de lui. »

Un fait rapporté dans une lettre de Henri IV à Corisandre d’Andoin, comtesse de Grammont, prouve que le duc de Mayenne était bien plus méchant et bien plus cruel que tous les historiens ne le dépeignent.

Lettre de Henri IV à Corisandre
« M. de Mayenne a fait un acte, de quoi il ne sera guère loué ; il a tué Sacremore (qui lui demandait récompense de ses services) à coup de poignard ; l’on me mande, que ne le voulant contenter, il craignit qu’étant mal content, il ne découvrît ses secrets, qu’il savait tous, même l’entreprise contre le roi (Henri III, assassiné à Saint-Cloud) ; de quoi il était chef de l’exécution. Dieu les veut vaincre par eux-mêmes, car c’était le plus utile serviteur qu’ils eussent : il fut enterré qu’il n’était pas encore mort. »

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