LA FRANCE PITTORESQUE
2 octobre 1700 : testament du roi
Charles II en faveur d’un petit-fils de Louis XIV
()
Publié le vendredi 28 septembre 2012, par Redaction
Imprimer cet article

Dès l’an 1698, Louis XIV, le roi d’Angleterre et les Etats-Généraux, voyant Charles II sans enfants, avaient signé un traité de partage de la monarchie espagnole. Charles II, irrité de voir que l’on partageât ses dépouilles de son vivant, avait nommé pour son héritier le prince électoral de Bavière. Ce jeune prince étant mort en 1699, il y eut en 1700 un second traité de partage, signé entre les mêmes puissances. L’empereur refusa d’y donner son consentement, parce qu’il espérait avoir toute la succession.

Louis XIV et l’empereur Léopold avaient au même degré des prétentions à la couronne d’Espagne ; tous deux descendaient, par les femmes, de Philippe III, aïeul de Charles II, mais Louis etait fils de l’aînée ; il avait d’ailleurs épousé la sœur de Charles II ; ses droits étaient les mieux fondés ; mais l’empereur alléguait les renonciations authentiques de la mère et de la femme de Louis XIV.

Quand ce nouvel affront que représentait le refus de l’empereur fut connu à la cour de Madrid, le roi fut sur le point de succomber à sa douleur ; et la reine fut transportée d’une si vive colère, qu’elle brisa les meubles de son appartement, et surtout les glaces et les autres ornements qui venaient de France. Charles II voulut alors donner tous ses Etats à l’archiduc Charles, neveu de sa femme, second fils de l’empereur Léopold, auquel il écrivit de le lui envoyer, avec un secours de dix mille hommes. Le roi de France, voulant s’assurer au moins quelques parties de ce vaste héritage, fait avancer une armée formidable vers les frontières d’Espagne.

Dans cette crise violente, le cardinal Porto-Carrero, archevêque de Tolède, et d’autres grands d’Espagne, voulant prévenir le démembrement de la monarchie, persuadèrent à Charles II de préférer un petit-fils de Louis XIV à un prince éloigné d’eux, hors d’état de les défendre. Mais la conscience timorée du roi s’effrayait des renonciations authentiques de la mère et de la femme de Louis XIV. Il consulta ses théologiens, qui furent de l’avis de son conseil. Il en écrivit encore de sa main au pape Innocent XII, qui lui répondit : « Que les lois d’Espagne et le bien de l’Europe exigeaient de lui qu’il donnât la préférence à la maison de France. » Le pape traita ce cas de conscience d’un souverain comme une affaire d’Etat, tandis que le roi d’Espagne faisait de cette grande affaire d’Etat un cas de conscience.

Charles II fit donc un second testament, par lequel il déclarait héritier de toute la monarchie d’Espagne, Philippe de France,duc d’Anjou, second fils de monsieur le dauphin ; à son défaut, soit qu’il mourût, soit qu’il devînt roi de France, il appelait le duc de Berry, frère du duc d’Anjou, et au défaut de celui-ci, l’archiduc Charles, sous la même réserve de ne pouvoir réunir l’empire et la couronne d’Espagne. Il signa ce testament dans le moment où sa femme, belle-sœur de Léopold, n’était pas auprès de lui.

Une anecdote piquante marqua la publication de ce testament, si l’on en croit Saint-Simon : « Un plaisant de cour, dit-il, qui venait d’assister à l’ouverture du testament, le duc d’Abrantès voulut se donner le plaisir d’annoncer le choix du successeur. Aussitôt qu’il parut, il fut investi. Blécourt, ambassadeur de Louis XIV, s’avance. Le duc le regarde fixement ; puis, faisant semblant de chercher ce qu’il avait presque devant les yeux, il tourne la tête. Cette action surprit Blécourt, et fut mal interprétée pour la France.

Mais tout à coup le duc faisant comme s’il n’eût pas aperçu le comte de Harrach, ambassadeur de l’Empire, il prit un air de joie, lui sauta au cou, et lui dit en espagnol : Monsieur, c’est avec beaucoup de plaisir ; et faisant une pause pour le mieux embrasser : Oui, monsieur, c’est avec une joie extrême et le plus grand contentement que je me sépare de vous, et prends congé de la très auguste maison d’Autriche. »

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE