LA FRANCE PITTORESQUE
« Petite Histoire » vs « Grande Histoire »
dogmatique voire idéologique
(Éditorial du 26 avril 2012 paru dans le N° 41 de
La France pittoresque - printemps-été 2012)
Publié le lundi 24 septembre 2012, par Redaction
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Et si la « grande » Histoire ne devait d’être vivante et captivante qu’à la « petite » Histoire, outil sans prétention auquel G. Lenotre, pseudonyme de Théodore Gosselin descendant par sa mère du célèbre jardinier de Louis XIV et élu à l’Académie française en 1932, s’appliqua à conférer ses lettres de noblesse pour le plus grand ravissement du public ?

N° 41 de La France pittoresque (printemps/été 2012)

N° 41 de La France pittoresque
(printemps/été 2012)

Pourtant, celui que Jean d’Elbée, dans la Revue hebdomadaire, qualifie d’explorateur curieux et de défricheur inlassable n’eut d’abord pour toute gratification que préjugés et méfiance de ses pairs : « On commença bien par ne pas prêter beaucoup d’attention à cet assembleur de puzzles, patiemment penché sur ses mille brimborions bizarrement découpés et coloriés, jusqu’au jour où leur assemblage révéla un ensemble singulièrement frappant par son importance, sa vérité et sa vie. Et d’autant plus frappant que les figures et les sujets du tableau ainsi obtenu n’étaient pas du tout conformes aux modèles que l’on voyait déjà accrochés et exposés partout dans le bâtiment Histoire. Les maîtres du Bâtiment sursautèrent à cette vue et s’avisèrent que l’humble assembleur pouvait être quelqu’un d’assez dangereux, avec ses peintures nouvelles, qui, si elles ne ressemblaient pas aux prototypes chers aux Pontifes, reproduisaient les originaux mêmes avec des traits et des accents qui ne trompent pas. »

Aux yeux de Lenotre, réveiller fructueusement les fantômes du passé suppose de recréer l’atmosphère où ils ont respiré, jusqu’à leur table de travail, leur fauteuil, leur encrier, leurs souvenirs : détacher cet ensemble de l’homme civilisé revient à défigurer l’Histoire et la vider de son âme. Je n’invente rien, avait-il confié, considérant combien s’affranchir d’un goût insensé pour le romanesque, dépassait si facilement en intérêt l’imagination lyrique d’un Michelet et débouchait sur des leçons salutaires. Et d’Elbée d’ajouter : « Ne rien inventer, voilà la grande méthode. Ne se servir dans la formation des personnages, dans la construction de l’œuvre que de matériaux vrais, que de traits authentiques, même pour les plus infimes : le résultat est que lorsque la dernière touche est donnée, lorsque la dernière parcelle est posée, le miracle de la conscience et de la patience, ces deux mamelles de l’historien, apparaît tout à coup ; c’est la vie. »

En revenant aux fondamentaux, en exhumant sans fioritures la vie de nos ancêtres, en s’imprégnant patiemment et simplement de leur quotidien et du contexte au sein duquel ils évoluaient, n’approchons-nous pas davantage la vérité historique, ainsi libérés de l’influence parfois prégnante de l’Histoire dogmatique voire idéologique véhiculée par les manuels scolaires et des productions littéraires parfois pontifiantes ?

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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