LA FRANCE PITTORESQUE
26 septembre 1699 : mort de l’homme
d’Etat Arnaud de Pomponne
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Publié le dimanche 23 septembre 2012, par Redaction
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Il était fils d’Arnaud d’Andilly, traducteur de Joseph et des Confessions de saint Augustin, et neveu du grand Arnaud. Ayant reçu de MM. de Port-Royal une excellente éducation, il entra fort jeune dans la diplomatie. Chargé par Louis XIV d’une négociation en Suède, il la fit réussir, et ce succès lui fraya l’entrée du ministère.

Arnaud de Pomponne

Arnaud de Pomponne

« Le roi, dit Gourville, prit tant de goût pour lui, par le bon style de ses lettres, que M. de Lyonne étant venu à mourir, sans aucune sollicitation, et sans que personne en sût rien, il lui envoya un de ses gentilshommes à Stockholm, qui le surprit extrêmement en lui apprenant que S. M. l’avait fait secrétaire d’Etat, et lui mandait de venir incessamment prendre possession. Ce ne fut qu’au retour de ce courrier qu’on sut ce que le roi avait fait à cet égard ; ce qui fit que ceux qui connaissaient M. de Pomponne donnèrent de grands éloges a à S. M. du bon choix qu’elle avait fait. »

Ce choix faisait d’autant plus d’honneur à Louis XIV, qu’il avait une grande prévention contre tout ce qui tenait à Port-Royal. Pomponne avait des talents distingués et les qualités les plus estimables ; mais une indolence naturelle, trop de goût pour la société, lui faisaient quelquefois négliger les affaires. Ses ennemis, parmi lesquels était Colbert, profitèrent de ce défaut pour lui nuire dans l’esprit de Louis XIV.

Un jour ce prince, attendait, avec la plus grande impatience, des lettres de Bavière : un courrier, dépêché par de Croissy, frère de Colbert, ambassadeur à Munich, se présenta à Pomponne au moment où celui-ci allait partir pour sa campagne avec une nombreuse société. Au lieu de tout quitter pour aller déchiffrer les dépêches et les porter au roi, l’imprudent ministre monta en voiture avec sa compagnie, et ordonna au courrier de ne se pas montrer de quelques jours : malheureusement cet homme avait une lettre pour Colbert, qui ne manqua pas d’instruire le roi qu’il était venu des nouvelles de Bavière.

Louis XIV, irrité de la négligence de Pomponne, lui ôta sa place, en adoucissant néanmoins sa disgrâce par des témoignages d’estime. Quoique la disgrâce de M. de Pomponne ait été généralement attribuée à cette inexcusable négligence, comme on peut le voir dans les lettres de son amie, madame de Sévigné, cette négligence en fut plutôt l’occasion que la cause. On lit dans un Mémoire écrit de la main même de Louis XIV, ce passage remarquable :

« Quand on s’est mépris, il faut réparer sa faute le plus tôt qu’il est possible, et que nulle considération n’en empêche, pas même la bonté. En 1671, un homme mourut qui avait la charge de secrétaire d’Etat, ayant le département des étrangers : il était homme capable, mais non pas sans défauts ; il ne laissait pas de bien remplir le poste, qui est très important.

« Je fus quelque temps à penser à qui je ferais avoir cette charge ; et après avoir bien examiné, je trouvai qu’un homme qui avait longtemps servi dans des ambassades (M. de Pomponne) était celui qui la remplirait le mieux. Je lui fis mander de venir. Mon choix fut approuvé de tout le monde : ce qui n’arrive pas toujours. Je le mis en possession de cette charge à son retour ; je ne le connaissais que de réputation, et par les commissions dont je l’avais chargé, et qu’il avait bien exécutées ; mais l’emploi que je lui ai donné s’est trouvé trop grand et trop étendu pour lui. Je n’ai pas profité de tous les avantages que je pouvais avoir, et tout cela par complaisance et bonté.

« Enfin il a fallu que je lui ordonne de se retirer, parce que tout ce qui passait par lui perdait de la grandeur et de la force qu’on doit avoir en exécutant les ordres d’un roi de France. Si j’avais pris le parti de l’éloigner plus tôt, j’aurais évité les inconvénients qui me sont arrivés, et je ne me reprocherais pas que ma complaisance pour lui a pu nuire à l’Etat. J’ai fait ce détail pour faire voir un exemple de ce que j’ai dit ci-devant. »

Ce ministre supporta son malheur avec beaucoup de courage ; il trouva surtout des consolations dans la société de Port-Royal dont il était chéri. Douze ans après, le roi lui donna une place dans son conseil, et le titre de ministre d’Etat. Pomponne la conserva jusqu’à sa mort.

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