LA FRANCE PITTORESQUE
21 septembre 1435 : traité d’Arras entre
le roi Charles VII et les Bourguignons
durant la guerre de Cent Ans
(D’après « Histoire générale de France depuis les temps les
plus reculés jusqu’à nos jours » par Abel Hugo (Tome 4), paru en 1841)
Publié le dimanche 16 septembre 2012, par Redaction
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La guerre de Cent Ans se poursuivait. Les années 1433 et 1434 qui s’étaient écoulées, avaient vu les troupes royales faire chaque jour de nouveaux progrès contre les Anglais, et Charles VII avait acquis de nouveaux alliés. Les ducs d’Orléans et de Bourbon, prisonniers en Angleterre, avaient offert leur médiation pour terminer d’une manière définitive les différends entre la France et la Bourgogne, et Philippe le Bon, le duc de Bourgogne — allié des Anglais —, consentit à l’élaboration d’un traité qui devait rendre la paix à la Bourgogne et à la France.

Le duc de Bourbon, beau-frère de Philippe le Bon, et le comte de Nevers, son ami, le décidèrent à ouvrir avec Charles VII des conférences dans l’abbaye de Saint-Waast d’Arras. Les princes chrétiens envoyèrent des ambassadeurs à ce congrès ; le pape et le concile de Bâle s’y portèrent pour médiateurs. Le duc de Bourgogne consentit à renoncer à ses projets de vengeance ; mais il profita de la situation du roi, et de son désir de conclure la paix, pour obtenir de lui les plus humiliantes satisfactions. Charles VII fut obligé de traiter avec Philippe plus en vassal qu’en souverain.

La France sous occupation anglaise entre 1420 et 1435

La France sous occupation anglaise entre 1420 et 1435

Par le traité signé le 21 septembre 1435, le roi céda au duc les comtés de Mâcon, d’Auxerre, de Bar-sur Seine et de Ponthieu ; il céda en même temps plusieurs villes de Picardie, telles que Péronne, Montdidier, Roye, Saint-Quentin, Corbie, Amiens, Abbeville, Doullens, etc. ; mais il fut stipulé que ces villes, faisant partie de l’ancien domaine de la maison royale, pourraient être rachetées. Les ministres bourguignons exigèrent que Charles témoignât ses regrets de la mort de Jean sans Peur, duc de Bourgogne de 1404 à 1419 qui avait été assassiné par le parti des Armagnacs, proche du pouvoir royal et opposé aux Bourguignons.

Le duc de Bourgogne dit dans les lettres-patentes qui précèdent les articles du traité : « Les ambassadeurs du roi nous ayant présenté un écrit qui contenait : Ce sont les offres que nous, Charles de Bourbon, et ambassadeur du roi, faisons, pour et au nom dudit roi, à monseigneur le duc de Bourgogne : 1° Que le roi dira, ou, par ses gens notables suffisamment fondés, fera dire à mondit seigneur le duc de Bourgogne, que la mort de feu monseigneur le duc Jean son père fut iniquement et mauvaisement faite par ceux qui perpétrèrent ledit cas, et par mauvais conseil ; et lui en a toujours déplu, et à présent déplaît de tout son cœur ; « et que, s’il eût sçu ledit cas, et eût eu tel âge et entendement qu’il a de présent, il y eût obvié à son pouvoir ; mais il étoit bien jeune, et avoit pour lors petite connoissance, et ne fut point si avisé que d’y pourvoir : et priera à mondit seigneur de Bourgogne que toute haine et rancune qu’il peut avoir à l’encontre de lui, et à cause de ce, il ôte de son cœur, et qu’outre eux ait bonne paix et amour, et se fera de ce expresse mention es lettres qui seront faites de l’accord et traité d’eux. »

Voici quelques-uns des articles du traité :

« Premièrement. Le roi demandera pardon audit duc, en affirmant par lui être innocent du meurtre commis en la personne du duc de Bourgogne, son père ; et que, s’il eût sçu tel cas être avenu, il l’eût empêché envers et contre tous.

« Item. Le roi fera chercher par tout son royaume les complices de ce meurtre, et les fera prendre et punir corporellement, comme au cas appartient.

« Item. Le roi fera fondation à Montereau, où le délit a été fait, d’une chapelle, en laquelle sera célébrée, tous les jours à perpétuité, une basse messe de Requiem pour le repos de l’âme dudit duc.

« Item. Le roi édifiera auprès de ladite ville un prieuré de douze religieux chartreux pour prier Dieu pour l’âme dudit duc.

« Item. Le roi sera tenu d’édifier sur le pont de ladite ville de Montereau une croix somptueusement faite, pour mémoire du déplaisir qu’il a dudit meurtre. »

Le duc de Bourgogne conclut en ces termes : « Nous, par la révérence de Dieu, mu par la pitié que nous avons pour le pauvre peuple de ce royaume, et par les prières, regrets et soumissions à nous faites par lesdits cardinaux et ambassadeurs de notre saint père le pape et du saint concile de Bâle, qui nous ont remontré qu’ainsi le devions faire selon Dieu, avons fait bonne et loyale paix et réunion avec mondit seigneur le roi, moyennant les offres dessus écrites, qui, de la part de mondit seigneur et ses successeurs, nous doivent être faites et accomplies »

Duclos, dans son Histoire de Louis XI, rapporte que « quelque dures que fussent les conditions du traité, le roi s’y soumit pour procurer la paix à ses sujets : sacrifice d’autant plus grand, que le traité n’était injurieux qu’à lui seul, que, dans une monarchie, la gloire ou la honte des événements regardent particulièrement le prince. »

Après la signature du traité, une messe solennelle fut célébrée dans l’église de Saint-Waast ; l’évêque d’Auxerre, Laurent Pinon, prononça un discours dont le texte était : Fides tua te salvum fecit, vade in pace. On lut ensuite le traité, et les parties jurèrent de l’observer. Puis Jean Tudert, doyen de l’église de Paris, un des négociateurs, se jeta aux pieds du duc de Bourgogne, et lui demanda pardon de la mort de son père. Philippe le releva, l’embrassa, et lui promit de ne plus faire la guerre à Charles VII.

Proclamation de la Paix d'Arras le 2 octobre 1435, après la signature du traité le 18 septembre. D'après une miniature des Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet

Proclamation de la Paix d’Arras le 2 octobre 1435, après la signature du traité le 18 septembre
D’après une miniature des Chroniques d’Enguerrand de Monstrelet

La mort le 14 septembre du même mois du duc de Bedford, frère puîné du feu Henri V d’Angleterre, rompit les derniers liens qui unissaient les Bourguignons aux Anglais. Dix jours plus tard trépassait la reine Isabeau de Bavière, veuve de Charles VI, et qui était justement considérée comme une des causes principales des désastres publics. Les Anglais, qu’elle avait si bien servis, la firent enterrer sans pompe : son corps, placé dans un bateau, fut conduit par la Seine à Saint-Denis, et déposé aussitôt dans les caveaux de l’église abbatiale.

Les aventuriers qui composaient, en grande partie, les forces des armées françaises et bourguignonnes furent longtemps avant d’accepter la paix rétablie par le traité d’Arras. L’autorité de Charles VII n’était point encore assez affermie pour qu’il pût mettre un terme à la licence des gens de guerre : des compagnies se formèrent, comme sous le roi Jean, et dévastèrent les campagnes. Les troupes royales, loin de réprimer les brigandages, parcouraient les provinces sous prétexte de se procurer des vivres, et se livraient à tous les excès. Les capitaines les plus renommés, les La Hire, Chabannes, les deux bâtards de Bourbon, marchaient à la tête de ces brigands, et partageaient leurs rapines.

Sous le roi Jean, il y avait eu les tards-venus, qui, ne s’étant mis à piller que les derniers, se distinguèrent par de plus grandes cruautés. On vit, sous Charles VII, les écorcheurs, et après eux, les retondeurs, qui ne laissaient pas même de vêtements aux malheureux qui tombaient entre leurs mains. C’était surtout sur les frontières des divers États qui divisaient le territoire français que se tenaient ces brigands, dit Olivier de la Marche dans ses Mémoires sur la maison de Bourgogne.

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