Cette comédie de d’Allainval obtint peu de succès dans sa nouveauté, et ne fut guère plus heureuse à sa reprise qui eut lieu en 1770 ; mais le jour de la justice arriva en 1787. Depuis cette troisième épreuve la pièce est restée au répertoire de la Comédie Française et y a obtenu d’innombrables représentations. Il est vrai que Fleury était admirable dans le rôle principal.
La Harpe a fait un assez mince éloge de l’Ecole des Bourgeois. Pourtant, on peut dire qu’après, bien après l’Ecole des Maris et George Dandin, il n’est peut-être pas une comédie en trois actes aussi bonne que l’Ecole des Bourgeois. Tout y est vrai : l’impertinence ennuyée du marquis, le bon sens, l’emportement et la faiblesse de M. Mathieu, la folie de Mme Abraham : le dialogue est franc et naturel ; la scène du marquis avec M. Mathieu est excellente ; celle où la famille bourgeoise lit une lettre de Moncade qui commence par ces mots : « C’est ce soir que je m’encanaille » , est théâtrale et comique. La Harpe remarque avec raison qu’elle est amenée par un moyen mesquin. Ce défaut est peut-être le seul de l’ouvrage.
D’Allainval avait fait un prologue à sa comédie, où, dans le passage suivant, il exprimait avec vérité la difficulté de plaire également à de nombreux spectateurs réunis et qui sont arrivés au théâtre avec des idées ou une disposition d’esprit qui diffèrent à l’infini. « De ce côté, dit-il, c’est un avocat qui a parlé toute la journée sur des questions épineuses de jurisprudence ; là c’est un officiel. qui vient de perdre tout son argent ; ici c’est un homme désespéré de l’infidélité de sa femme ou de sa maîtresse : ils viennent à la comédie pour faire trêve, l’un à ses travaux, les autres à leurs chagrins. Ils me regardent tous avec un air farouche et effrayant, et je crois les entendre me dire : Fais-moi rire, je viens ici pour cela. »
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