LA FRANCE PITTORESQUE
9 septembre 1720 : mort du diplomate
et mémorialiste Dangeau
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Publié le samedi 8 septembre 2012, par Redaction
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Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, né le 21 septembre 1638, s’avança, par les agréments de son esprit et de sa figure, à la cour de Louis XIV ; et son goût pour les lettres lui valut une place dans l’Académie Française et dans celle des Sciences. On a de lui des Mémoires en manuscrit, dans lesquels Voltaire , Hénault, Labaumelle, ont puisé des anecdotes curieuses.

Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau

Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau

Dans le temps que Louis XIV entretenait un commerce de galanterie avec Henriette d’Angleterre, sa belle-sœur, Dangeau fut à la fois le confident de l’un et de l’autre. Le roi le chargeait d’écrire à madame, et la princesse le chargeait de répondre au roi. Il les servit ainsi tous deux, sans laisser soupçonner à l’un qu’il fût employé par l’autre.

C’était un courtisan parfait ; genre de perfection qui mène à plus d’un vice et à plus d’un ridicule. Il a fourni à La Bruyère les traits d’un de ses portraits les plus achevés : le caractère de Pamphile (Chapitre des Grands). Son mérite de courtisan ne fut pas la seule cause de sa fortune ; il y joignait celui d’un joueur très heureux, ou plutôt très habile.

« Un jeu de reversi donne la forme et fixe tout. Le roi est auprès de madame de Monlespan qui tient la carte, dit madame de Sévigné ; Monsieur, la reine et madame de Soubise, Dangeau et compagnie, Langlée et compagnie [on jouait le reversi à cinq] ; mille louis sont répandus sur le tapis ; il n’y a point d’autres jetons. Je voyais jouer Dangeau, et j’admirais combien nous sommes sots au jeu auprès de lui. Il ne songe qu’à son affaire, et gagne où les autres perdent ; il ne néglige rien, il profite de tout ; il n’est point distrait ; en un mot, sa bonne conduite défie la fortune : aussi les deux cents mille francs en dix jours, les cent mille écus en un mois, tout cela se met sur le livre de sa recette...

« Enfin on quitte le jeu à six heures : on n’a point du tout de peine à faire les comptes ; il n’y a point de jetons ni de marques. Les poules sont au moins de cinq, six et sept cents louis ; les grosses de mille, de douze cents. On en met d’abord vingt chacun, c’est cent ; et puis celui qui fait en met dix. On donne chacun quatre louis à celui qui a le quinola : on passe ; et quand on fait jouer, et qu’on ne prend pas la poule, on en met seize à la poule pour apprendre à jouer mal-à-propos. On parle sans cesse, et rien ne demeure sur le cœur. Combien avez-vous de cœurs ? J’en ai deux, j’en ai trois, j’en ai un, j’en ai quatre : il n’en a donc que trois, que quatre. Et Dangeau est ravi de tout ce caquet : il découvre le jeu, il tire ses conséquences, il voit ce qu’il a à faire. Enfin j’étais fort aise de voir cet excès d’habileté : vraiment c’est bien lui qui sait le dessous des cartes. »

Dans l’éloge de Dangeau, Fontenelle s’arrête sur sa singulière supériorité à tous les jeux. Il y faisait les combinaisons les plus savantes, sans laisser voir aucune application. Il demanda au roi un appartement à Saint-Germain, qui le lui promit, à condition que pendant la partie même qu’il allait jouer, il mettrait sa demande en vers et en cent vers. Après le jeu, où il n’avait pas paru plus occupé qu’à l’ordinaire, il récita au roi les cent vers bien comptés, et eut l’appartement.

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