LA FRANCE PITTORESQUE
5 septembre 1797 : mort de l’explorateur
et naturaliste Claude-Antoine-Gaspard Riche
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Publié le dimanche 2 septembre 2012, par Redaction
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Claude-Antoine-Gaspard Riche naquit le 20 août 1762 à Chamelet en Beaujolais ; il faisait encore ses études chez les Bénédictins de Toissei (près de Lyon) lorsque son goût pour les sciences naturelles se manifesta.

Après avoir exploré plusieurs fois le Languedoc, Riche sentit le désir de visiter le centre des connaissances universelles : il vint à Paris sur la fin de l’année 1788. Un des premiers services qu’il rendit aux sciences peut être regardé comme un acte de modestie et de désintéressement, car il consistait dans un travail dont il ne devait retirer d’autre gloire et d’autre profit que le bonheur d’obliger et de contribuer à un ouvrage admirable : « Le talent de Riche, dit Cuvier, et ses qualités aimables lui concilièrent particulièrement l’estime et l’affection de deux hommes les plus remarquables de notre siècle, Fabricius et Vicq-d’Azyr.

« Le premier ne parle encore aujourd’hui (1797) de son ami qu’avec les expressions des plus tendres regrets. Vicq-d’Azyr l’associa à ses travaux, et doit à son assiduité une bonne partie de ce qu’il a publié dans l’Encyclopédie méthodique. On peut même dire que, sans ses secours, il n’aurait peut-être pas entrepris un pareil ouvrage. Plus anatomiste et plus physiologiste que Riche, il était beaucoup moins naturaliste, et ne connaissait point assez le tableau général des êtres ; il avait besoin qu’un homme en état de lui indiquer à quelles espèces il devait principalement appliquer son scalpel, le guidât dans ce labyrinthe. Daubenton l’avait fait pour les quadrupèdes et les oiseaux ; Riche le fit pour le reste.

La Recherche et L'Espérance

La Recherche et L’Espérance

« C’est lui qui est l’auteur des Tableaux méthodiques qui précèdent l’Anatomie comparée : celui où les êtres sont classés d’après leurs divers degrés de composition, et ceux qui présentent les vers et les insectes considérés sous divers rapports, durent être bien accueillis des naturalistes philosophes, et le furent en effet, dans un temps où les idées sur lesquelles ils reposent n’étaient point encore familières. Nous avons encore aujourd’hui les brouillons originaux de ces tableaux, écrits et corrigés de la main de Riche. Aussi Vicq-d’Azyr lui rendit-il toujours une justice éclatante. Il le loue plusieurs fois, dans ses écrits, et il avait coutume de dire que ce serait Riche qui le remplacerait. Il était bien loin de croire alors que ce jeune savant le suivrait de si près dans la tombe. »

L’orage politique, qui allait éclater, grondait déjà dans le lointain ; plusieurs savants, à la tête desquels on compte Cuvier et son ami Riche, pressentant l’influence que ce grand événement devait avoir sur le monde entier, voulurent mettre les sciences à l’abri de la foudre révolutionnaire : ils fondèrent la société Philomathique, et Riche en fut le premier secrétaire.

Bien plus par amour pour la science, que dans l’espoir d’améliorer sa santé chancelante, Riche consentit à faire partie de l’expédition qui allait partir à la recherche de l’infortuné La Pérouse. On sait que cette expédition partie le 28 septembre 1791 et commandée par le célèbre d’Entrecasteaux, était composée des deux frégates, la Recherche et l’Espérance ; le résultat n’en fut point heureux.

Dans ce long et pénible trajet, Riche se signala par une ardeur qui lui valut de précieuses découvertes, mais qui l’exposa à de grands périls. Pour n’en citer qu’un exemple, ses compagnons et lui ayant pris terre dans les parages du Van-Diemen, après quelques jours il fallut remettre à la voile, et Riche n’avait point reparu : tous les signaux, toutes les recherches étaient inutiles. On ne le vit revenir qu’au moment où déjà les vaisseaux avait quitté la côte, et où il ne restait plus le moindre espoir de le retrouver.

Le journal de ce martyr de l’histoire naturelle, transcrit littéralement dans la relation du voyage d’Entrecasteaux, renferme les détails de son excursion : entre autres objets d’observations, il avait trouvé une vallée entièrement couverte de troncs d’arbres pétrifiés, dans lesquels on distinguait tout ce qui caractérisait le bois : un Grec, suivant son expression, aurait cru voir, dans cette forêt, un effet du regard d’une des Gorgones. L’eau d’une fontaine, qu’un heureux hasard lui fit rencontrer, et quelques sommités de laitron, furent, pendant deux jours, ses seuls moyens de subsistance.

« La nuit du 15 au 16 décembre arrivant sans qu’il eût aperçu d’autres êtres animés que trois kangourous, il s’étendit par terre, avec la fièvre, la gorge brûlante, la poitrine oppressée et douloureuse ; cependant l’excessive fatigue l’emporta sur la douleur, et il s’endormit. Le 16, dès qu’il aperçut la mer, tout changea de face à ses yeux, « et il se mit à recommencer sa collection, autant que sa faiblesse le lui permit. A son arrivée, il ne pouvait plus parler, il ne ressentait plus la faim qui l’avait tant tourmenté la veille ; il versa des larmes de reconnaissance en apprenant tous les soins qu’on s’était donnés pour le retrouver, et tout l’intérêt que son malheur avait excité. » On appareilla le 17 décembre 1792, et le nom de Cap-Riche fut écrit sur la carte du voyage.

Nous ne suivrons pas l’escadre dans l’immense chemin qu’elle parcourut ensuite ; nous ne parlerons même pas des observations nombreuses que Riche fit encore. L’expédition arriva à l’île de Java, devant Sourabaye, le 18 octobre 1793 ; cette date explique la singulière violence que les Hollandais exercèrent, en enlevant tous les journaux, papiers ou matériaux scientifiques de ce voyage.

Ce dernier coup fut mortel pour le malheureux Riche ; il ne put continuer une entreprise dans laquelle il venait de perdre le fruit de tant de travail et de souffrances : il quitta Java le 3 juillet 1794, et gagna la France au mois d’août. Après avoir fait un voyage à Batavia, dans le seul espoir de reconquérir sa précieuse collection , et désespéré de n’avoir pu réussir, il revint expirer en France à l’âge de trente-cinq ans.

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