LA FRANCE PITTORESQUE
5 septembre 1745 : mort du poète
et dramaturge Simon-Joseph Pellegrin
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Publié le dimanche 2 septembre 2012, par Redaction
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Ennuyé de la vie de religieux servite, qu’il traînait depuis quelque quarante ans, Simon-Joseph Pellegrin se fit aumônier de bord et courut les mers. Après quoi il essaya de la littérature, et remporta le prix de poésie à l’Académie française. Pour ne le pas manquer, il avait envoyé deux pièces, une ode et une épître, qui eurent l’honneur de tenir longtemps les juges en suspens.

Fier de ce double succès, il vint à Paris pour y dire des messes, composer des pièces de théâtre, et ouvrir boutique de poésies. Madrigaux, épigrammes, compliments, chansons, bouquets, sonnets, ballades, il fournissait tout ce qu’on pouvait désirer, et au plus juste prix, proportionnant équitablement ses droits au salaire, non seulement sur le nombre, mais encore sur la longueur des vers ; c’eût été duperie en effet de n’avoir qu’un seul et même tarif et pour un grand alexandrin, s’allongeant sur ses douze pieds, et pour un pauvre petit vers de deux syllabes.

La fabrique alla, tant bien que mal, pendant plus de trente ans : aussi, Dieu sait, l’effrayante quantité de rimes qui furent mises en circulation ; plus il en paraissait, plus le public, qui jugeait d’après la qualité, proclamait l’auteur un méchant poète ; mais l’abbé Pellegrin, qui voulait au contraire que l’on mesurât son mérite sur une exacte addition de tous les vers qu’il avait enfantés, s’indignait qu’on osât dire, devant lui, que Voltaire était le roi des poètes.

S’admirant lui-même et bafoué des autres, il vécut, ou plutôt il mourut de faim, pendant quatre-vingt-deux ans. Si les deux vers suivants, composés en son intention, n’omettaient sa principale industrie, ils pourraient servir d’épitaphe à l’abbé Pellegrin :

Le matin, catholique, et le soir, idolâtre,
Il dîna de l’autel, et soupa du théâtre.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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