LA FRANCE PITTORESQUE
25 août 1776 : mort du littérateur
Germain-François Poullain de Saint-Foix
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Publié le samedi 25 août 2012, par Redaction
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Germain-François Poullain de Saint-Foix, né à Rennes en Bretagne, le 5 février 1698, mourut à Paris. Il porta plus loin que personne les défauts et les vertus de son pays , c’est-à-dire, l’entêtement et l’opiniâtreté, mais aussi la sensibilité et l’humeur compatissante. Il fit ses premières armes dans les mousquetaires, et se fit remarquer du maréchal de Broglie, qui le choisit pour aide de camp, parce qu’il lui connaissait de l’intelligence et du courage. Des éloges furent la récompense de ses services : il demanda de l’avancement, et le refus qu’il éprouva le rendit tout entier au service des Muses.

Impatient, contrariant, toujours emporté, et ne cédant jamais, il avait besoin de ses talents pour faire oublier les impressions que donnait son caractère. Ses disputes se terminaient par des combats singuliers.

Un jour, vers midi, il était au café Procope : entre un garde du roi, qui demande une tasse de café et un petit pain. Voilà un mauvais dîner, dit brusquement Saint Foix. Le garde ne répond pas. — Voilà un mauvais dîner. — Même silence de mépris. — Voilà un mauvais dîner. Alors le garde s’emporte. — Quand vous vous fâcheriez davantage, ce n’en sera pas moins là un mauvais dîner. — Sortons. — Tant que vous voudrez, mais vous n’en aurez pas moins fait un mauvais diner. Le persifleur est blessé ; et tout en perdant son sang : — Vous m’eussiez tué, il n’en serait pas moins vrai que vous avez fait un mauvais dîner.

Il se battait encore : on les sépare, et on les conduit au tribunal des maréchaux de France. Saint-Foix comparaît avec le garde du roi ; et quand il a raconté naïvement la scène au maréchal de Noailles : « Monseigneur, dit-il, mon dessein n’a jamais été d’insulter monsieur ; je le tiens pour un très galant homme, pour un brave militaire ; mais tout cela ne fait pas, vous en conviendrez, monseigneur, qu’une tasse de café au lait et un petit pain ne soient un mauvais dîner. » On rit et l’on s’embrassa.

Entraîné par l’impétuosité de son tempérament, il s’oublia un jour jusqu’à tirer presque son épée, dans la Bibliothèque du Roi, contre l’abbé Boudot, qui le corrigea d’un seul mot : « Monsieur de Saint-Foïx, je ne vous crains pas, mon rabat a le fil. »

Les femmes même n’étaient pas à l’abri des boutades de son humeur. On répétait l’Oracle. L’actrice qui faisait le rôle de fée ne le rendait pas à sa fantaisie ; il lui arrache la baguette des mains. « Mademoiselle, j’ai besoin d’une fée et non pas d’une sorcière. »

Malgré cette âcreté dans le sang, c’est pourtant lui qui a fait les Grâces et les Lettres Turques qui se firent lire après les Lettres Persanes, et ses Essais sur Paris, où, dans le tableau des mœurs anciennes, il fait tantôt l’éloge, tantôt la satire des nôtres. Dans les dernières années de sa vie, il s’était retiré à la Doctrine Chrétienne. L’exécuteur de ses dernières volontés fut l’abbé de Véry, prêtre de cette congrégation, qui, joignant les vertus de son état à l’amabilité d’un homme du monde, avait trouvé le secret d’être son ami et son censeur. C’était souvent Thémistocles qui disait à Eurybiade : « Frappe, mais écoute. »

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