LA FRANCE PITTORESQUE
5 août 1697 : mort funeste
de Jean de Santeul
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Publié le vendredi 3 août 2012, par Redaction
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Jean de Santeul, chanoine régulier de l’abbaye Saint-Victor, était né à Paris le 12 mai 1630. C’est de tous les poètes latins modernes, celui dont la verve se fait le mieux sentir ; il est plein d’harmonie, de chaleur et d’énergie. Les jésuites eurent quelques rivaux à lui opposer, tels que la Rue, Rapin, Commire, Vanière, Sanadon ; mais il est plus original qu’eux tous, il a plus de mouvement, il parle plus d’après lui-même et moins d’après les anciens.

Jean de Santeul

Jean de Santeul

On connaît ces magnifiques inscriptions, dont il a enrichi la ville de Paris, surtout celle de la pompe du pont Notre-Dame ; il a célébré aussi en détail la plupart des principales beautés de Chantilly. Il a fait cette belle inscription qu’on lisait au pied de la statue du grand Condé,en trois vers latins, dont le commencement peint ce héros terrible dans les combats, et la fin le représente dans son heureux et savant loisir, entouré des arts embellissant ses jardins.

Il était juste que Santeul chantât les beautés de ce lieu charmant, où il était accueilli avec tant de bonté, par de si grands princes, qui pouvaient s’amuser de ses bizarreries, mais qui rendaient hommage à son génie. Le malheureux Santeul trouva la mort dans les amusements de cette cour. Le duc de Bourbon, gouverneur de Bourgogne, le menait toujours aux Etats de cette province, qui se tenaient à Dijon.

Santeul y fut emporté d’une colique violente, provoquée par ua badinage imprudent, que se permit une grande princesse, parce qu’elle le croyait absolument innocent et sans conséquence ; elle mêla du tabac d’Espagne dans un verre de vin qu’il allait boire, et qu’il but en effet ; il mourut la nuit suivante.

Ce ne fut pas sans avoir dit un bien meilleur mot que ceux qu’on lui fait dire dans le Santoliana. Un page étant venu dans ces derniers moments s’informer de son état, de la part de Son Altesse monseigneur le duc de Bourbon, le mourant lève ses yeux au ciel, et s’écrie : Tu solus Altissimus  : mot de situation et du moment.

Ses confrères de Saint-Victor, qui ne l’avaient pas beaucoup aimé durant sa vie, demandèrent son corps après sa mort : ils ne l’auraient pas obtenu sans un ordre exprès de M. le prince. Les chanoines de l’abbaye de Saint-Etienne, où Santeul avait été enterré, furent obligés de céder le corps, et s’en dédommagèrent par cette épigramme :

Vous demandez Santeul avec impatience,
Et vous vous irritez de notre résistance ;
Emportez-le, messieurs ; il nous importe peu
Que son corps nous demeure ou qu’on le vienne prendre :
Il nous a laissé tout son feu,
Et nous vous en laissons la cendre.

Les hymnes de Santeul sont les plus estimées de ses poésies latines ; et le suffrage de tous les hommes de goût, doit un peu contrebalancer le jugement peu favorable que Voltaire en a porté dans son Siècle de Louis XIV. « Ses hymnes, dit-il, sont chantées dans l’Eglise. Comme je n’ai point vécu chez Mécène avec Horace et Virgile, j’ignore si ces hymnes sont aussi bonnes qu’on le dit ; si, par exemple, orbis redemptor, nunc redemptus, n’est pas un jeu de mots puéril, je me défie beaucoup des vers latins modernes. »

Orbis redemptor, nunc redemptus, est un jeu de mots ; mais n’est-ce donc que pour ce jeu de mots qu’on admire Santeul ?

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