LA FRANCE PITTORESQUE
24 juillet 1568 : mort tragique
de don Carlos
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Publié le vendredi 20 juillet 2012, par Redaction
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Don Carlos, fils de Philippe II, roi d’Espagne, parut, dès son bas âge, violent dans toutes ses passions. Il déplut à son père, par son caractère hautain et indocile, par des plaisanteries très déplacées, et des vices dont les suites furent funestes. Voyant Philippe irrité contre lui, il traita avec les rebelles de Hollande, et leur promit de partir dans quelque temps pour se mettre à leur tête.

Afin de n’être pas surpris avant son départ, il fit mettre dans la ruella de son lit un coffre rempli d’armes à feu,- Il se fit faire de petits pistolets d’invention nouvelle , pour porter toujours sur lui, sans qu’on les pût voir ; et il commanda à un fameux ouvrier français de lui faire, pour sa chambre, une serrure à secret, qui ne se pût ouvrir que par dedans. Philippe, instruit et alarmé des précautions qu’il prenait, résolut de s’assurer de sa personne. L’ouvrier de cette serrure extraordinaire trouva le moyen de l’ouvrir.

Le roi entra, pendant la nuit, dans la chambre de don Carlos. Le malheureux prince dormit si profondément, que le comte de Lerme put ôter, sans l’éveiller, les pistolets qu’il tenait sous son chevet ; il alla s’asseoir ensuite sur le coffre où étaient les armes à feu. Le prince ayant été éveillé avec peine, s’écria qu’il était mort. Le roi lui dit : Que tout ce qu’on faisait était pour son bien.

Mais don Carlos, voyant qu’il se saisissait d’une tassette pleine de papiers, qui était sous son lit, entra dans un désespoir si furieux, qu’il se jeta tout nu dans un brasier, que ses gens avaient laissé allumé dans la cheminée, à cause du froid extrême qu’il faisait alors. Il fallut l’en tirer de force, et il parut inconsolable de n’avoir pas eu le temps de s’y étouffer. On démeubla d’abord sa chambre, et pour tout meuble, on n’y laissa qu’un méchant matelas, à terre. Aucun de ses officiers ne parut depuis en sa présence. On lui fit prendre un habit de deuil ; il ne fut plus servi que par des hommes vêtus de même. Le roi, ayant connu ses desseins et ses intelligences par les papiers dont il s’était saisi, lui fit faire son procès, et il fut (dit-on) condamné à mort.

On prétend qu’il se fit ouvrir les veines dans un bain ; d’autres disent qu’il fut empoisonné ou étranglé. Quelques auteurs ont cru que Philippe s’était porté à cette dure extrémité par un transport de jalousie. On dit qu’il découvrit que le prince aimait et était aimé de la reine Elisabeth, qui lui était destinée, et que son père avait prise pour lui-même. Ce qu’il y a de certain, c’est que celte princesse mourut empoisonnée peu de temps après, et que toute l’Europe crut alors que Philippe avait immolé sa femme et son fils à sa jalousie.

L’Histoire de don Carlos, par l’abbé de Saint-Réal, au lieu de débrouiller cette triste aventure, n’a servi qu’à l’obscurcir encore, parce qu’il s’est moins attaché à chercher la vérité, qu’à ourdir un roman intéressant.

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