LA FRANCE PITTORESQUE
17 juillet 1085 : mort de Robert Guiscard
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Publié le dimanche 15 juillet 2012, par Redaction
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Vers la fin du dixième siècle, quelques chevaliers normands, revenant de pèlerinage, arrivèrent à Salerne, assiégée par les Sarrasins. Délivrés par leur secours, les Grecs les payèrent généreusement. Le bruit de leur heureuse aventure attira une foule de leurs compatriotes, avides de butin et de renommée. Les papes, les empereurs d’Allemagne, les Grecs et les Sarrasins se disputaient alors les lambeaux de cette partie de l’Italie : les Normands vendirent leur épée au plus offrant, et guerroyèrent ainsi pour les uns et les autres, en attendant mieux. Leur nombre et leur valeur leur permirent bientôt d’être ambitieux pour leur compte, et de se mettre au nombre des compétiteurs.

Au milieu du onzième siècle, un des fils de Tancrède de Hauteville, gentilhomme de Cou tances, commandait les Normands, et possédait déjà une partie de l’Appulie, lorsque son frère consanguin, Robert, vint chercher fortune auprès de lui. Comme sa qualité de Normand l’eût mal recommandé sur la route, il avait dévotement traversé l’Italie, déguisé en pèlerin. Les métamorphoses étaient du goût de Robert, qui, bien que brave, ne possédait aucune de ces nobles et brillantes qualités que nous aimons à attribuer aux chevaliers. Il s’enorgueillissait de l’épithète de Guiscard, synonyme de cauteleux, de rusé et même de fourbe, et, à toutes les époques de sa vie, il justifia son surnom.

D’abord lieutenant de son frère, Robert entreprit pour lui la conquête de la Calabre (1054),à la tête d’une petite troupe de Normands. La tentative était audacieuse ; cependant elle réussit par les stratagèmes, les trahisons et les perfidies du chef et par la valeur de ses soldats. Encouragé par le succès dans ses idées d’indépendance, Robert se mutina contre son frère, qui néanmoins en mourant le nomma son successeur (1059). Devenu plus puissant, l’aventurier normand n’en fut que plus ambitieux ; mais, avant d’entreprendre de nouvelles conquêtes, il se fortifia par des intrigues politiques : sa femme, d’origine normande, lui était inutile en Italie ; aussi la répudia-t-il pour épouser une princesse, qui lui apportait un vieux nom et des titres. Il offrit au pape Nicolas II une redevance pour les terres qu’il possédait déjà et celles qu’il comptait posséder dans l’avenir : Nicolas, en retour, lui donna l’investiture et le titre de duc de Pouille et de Calabre (1060).

Après avoir ainsi placé son ambition sous la protection du saint Siége, il poursuivit rapidement ses conquêtes. L’Appulie et la Calabre furent enlevées par lui aux Grecs, tandis que son frère Roger disputait la Sicile aux Sarrasins. Après quelques démêlés, les deux chevaliers, réconciliés, unissant leurs forces, chassèrent les Infidèles. Palerme fut prise (1072), et les vainqueurs se partagèrent leur riche proie ; la paix faite avec les Grecs (1076) leur en assura la légitime possession.

Quelques incursions des Normands en Campanie avaient attiré sur eux les foudres de Grégoire VII ; mais ce pape, dont la précipitation ambitieuse arrêta les belles destinées de Rome, engagé dans une lutte armée contre l’empereur Henri IV, rechercha l’alliance des Normands, et renouvela en faveur de Robert, et aux mêmes conditions, l’investiture qui avait déjà été donnée par Nicolas II. N’ayant plus rien à faire en Italie, Robert, après avoir apaisé une révolte de ses barons (1080), conçut de plus vastes projets.

Il fit jouer à un moine le personnage de Michel Parapinace, empereur de Constantinople, déposé eu 1078, et au fils duquel il avait marié sa fille Hélène. Sous prétexte de rendre le trône au prétendu Michel, Robert envahit l’Epire, prit Corfou, la Vallone, Buthrote, patrie de Pyrrhus, battit Alexis Comnène (1081), et s’empara de Durazzo Une nouvelle révolte de ses barons, encouragée par les empereurs d’Orient et d’Occident, alliés contre un aventurier normand, l’ayant rappelé en Italie, il châtia sévèrement les coupables, et, bientôt après, il mena quarante mille hommes au secours de Grégoire VII, que l’empereur Henri IV, maître de Rome (1084), tenait assiégé dans le château Saint-Ange. Henri n’attendit pas l’arrivée de Robert, qui entra sans résistance dans la cité pontificale. Rome était une proie séduisante pour le Normand, amateur de pillage, malgré sa puissance, et pour ses soldats sarrasins, grecs, normands, italiens. Grégoire, délivré, vit sa ville pillée et incendiée, et le vainqueur l’emmena en triomphe ou en captivité à Salerne, où il mourut l’année suivante.

De nouvelles victoires remportées sur les Grecs et les Vénitiens, d’immenses préparatifs enflèrent tellement les espérances de Guiscard, qu’il convoita le trône de Constantinople, et on peut croire qu’il eût prouvé que son ambition n’était pas démesurée, si la mort n’était venue anéantir ses projets avec lui. Il mourut à Céphalonie.

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