LA FRANCE PITTORESQUE
1er juillet 1589 : mort de
l’imprimeur-éditeur
Christophe Plantin, un des premiers
imprimeurs de la Bible
(« Bulletin de l’Académie royale des sciences, des lettres
et des beaux-arts de Belgique » paru en 1852,
« Christophe Plantin » (par Félix Van Hulst) édition de 1846
et « Biographie universelle ancienne et moderne » (Tome 35) paru en 1823)
Publié le mardi 30 juin 2020, par Redaction
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Né en Touraine et venu fort jeune à Paris où il apprend d’abord l’état de relieur, il visite ensuite les principaux ateliers d’imprimerie de France puis passe aux Pays-Bas et s’établit à Anvers, où il fonde la plus importante imprimerie du monde et porte l’art typographique à un haut degré de perfection
 

Né entre 1514 et 1520 à Saint-Avertin (Indre-et-Loire), près de Tours, de parents pauvres et obscurs, Christophe Plantin vint fort jeune à Paris, où il travailla quelque temps de l’état de relieur, apprenant ensuite les éléments de l’art typographique chez Robert Macé, imprimeur à Caen ; et après s’être perfectionné, en visitant les principaux ateliers de France, et notamment ceux de Lyon, il revint à Paris, dans l’intention de s’y établir.

Les troubles que commençaient à occasionner les disputes religieuses, le décidèrent à passer dans les Pays-Bas : il s’y maria peu après, et vint demeurer à Anvers, où l’on sait qu’il exerçait son art en 1555. La correction et la beauté des ouvrages sortis de ses presses, étendirent bientôt sa réputation ; et il acquit, en peu de temps, une fortune considérable. Plantin en fit le plus noble usage : sa maison, comme celle des Aldes à Venise et des Estiennes à Paris, devint l’asile de tous les savants ; il en avait toujours plusieurs à sa table : il venait au secours de ceux qui se trouvaient dans le besoin, et cherchait à se les attacher en leur offrant un traitement honorable.

Christophe Plantin

Christophe Plantin

Aussi eut-il constamment dans son imprimerie, pour correcteurs, des hommes d’un rare mérite, tels que Corneille Kilian, Théodore Pulman, Victor Giselin, François Raphelengius, etc. Cependant, si l’on en croit Malinkrot, Plantin, à l’exemple de Robert Estienne, exposait devant sa porte ses épreuves, en promettant une récompense à ceux qui y découvriraient quelques fautes.

En 1566, Plantin avait sept presses en activité. Sa maison prospérait, mais il n’en était pas le seul propriétaire : il avait dû prendre des associés pour l’établir. Désirant ne plus dépendre de gens « dont il ne seroit pas sûr, ni de volonté, ni du faict de la religion catholique (ce sont ses propres expressions), il remboursa à ses associés les fonds qu’il avait reçus d’eux. » Une conséquence de cette détermination fut de l’obliger à restreindre le cercle de ses affaires : il n’employa plus que quatre presses, mais il conserva les trois autres avec tout le matériel qui y servait.

Il songeait, dès ce temps, à la grande entreprise qui mit le sceau à sa réputation dans le monde civilisé. Il s’était occupé, de longue main, à former des ouvriers capables de composer en grec, en chaldéen, en hébreu. Ayant rencontré, dans François Raulenghien (Franciscus Raphelengius), un jeune homme qui possédait, à un rare degré, les langues orientales et les lettres grecques et latines, il lui donna en mariage sa fille Marguerite, pour le fixer près de lui.

L’édition de la Bible en quatre langues, imprimée à Alcala, sous les auspices du grand cardinal de Ximénès, était devenue d’une rareté extrême. Beaucoup d’exemplaires en avaient péri avec un navire qui les transportait en Italie ; les autres avaient trouvé des amateurs empressés dans toutes les parties de la chrétienté. Lorsqu’il s’en présentait un, par hasard, à acheter, la concurrence lui donnait un prix excessif. Aussi, l’idée de faire une édition nouvelle de la Bible polyglotte préoccupait beaucoup d’esprits, et ce n’était pas seulement dans la tête des imprimeurs et des libraires qu’elle germait : plusieurs princes se montraient disposés à y consacrer leurs trésors, jaloux d’attacher leur nom à une entreprise qui devait les honorer dans la postérité.

Plantin, l’un des premiers, avait pris ses mesures. À la foire de Francfort du carême de 1566, il communiqua à quelques personnes des feuilles d’épreuve d’un spécimen qui, comparé aux volumes sortis des presses d’Alcala, se distinguait par des améliorations notables, résultat à la fois des progrès que l’art typographique avait faits depuis un demi-siècle, et de l’habileté de l’artiste auquel il était dû. Un de ces exemplaires étant tombé sous les yeux de l’électeur Auguste de Saxe, ce prince, qui se proposait de faire réimprimer la Bible dans ses États, et qui déjà y avait employé beaucoup d’argent, non seulement renonça au dessein qu’il avait conçu, mais encore fit exhorter Plantin à poursuivre son entreprise.

Le Sénat de Francfort offrit à l’imprimeur anversois, s’il voulait l’exécuter dans cette ville, d’en avancer tous les frais. L’Électeur palatin lui fit la même offre, à la condition que la Bible fût imprimée à Heidelberg. À l’un et à l’autre Plantin répondit ainsi qu’il l’avait fait au connétable de France, qui l’engageait à se fixer dans ce dernier pays, savoir : « que, comme il s’était dédié à imprimer choses catholiques et profitables à la république chrétienne, aussi il s’étéit résolu de ne se transporter en autre lieu que sous l’obéissance du Roi Catholique, auquel il avait donné le serment de fidélité et loyale obéissance, ès mains de ses officiers, en cette noble et renommée ville d’Anvers. »

Le patronage de Philippe II fut donc le seul que Plantin ambitionna. Ce monarque ne pouvait qu’accueillir un projet auquel la religion et la science étaient également intéressées : toutefois, avant de se prononcer, il désira avoir un aperçu de la dépense que la réimpression de la Bible entraînerait. Plantin évalua les frais d’achat du papier à 12 000 florins, et ceux d’impression à une pareille somme : à cette dépense il fallait ajouter ce qu’il avait payé déjà pour l’entretien des savants chargés de corriger le dictionnaire des mots hébraïques de la Bible ; ce qu’il aurait à payer à ceux qui reverraient les épreuves ; enfin, ce que lui avait coûté l’acquisition des caractères.

Plantin n’avait en vue, à cette époque, que la réimpression pure et simple de la Bible d’Alcala, en quatre langues, hébraïque, chaldaïque, grecque et latine ; il projetait de la faire paraître en six volumes. Quelque temps après, il proposa au roi de l’augmenter du Nouveau Testament, en langue syriaque, imprimé à Vienne, par ordre de l’empereur Ferdinand. et qui ferait deux volumes de plus. Tout l’appui qu’il demandait à Philippe II pour mener à fin une si grande entreprise, consistait dans un prêt de 6 000 écus.

Philippe, après avoir pris l’avis de la faculté de théologie d’Alcala et du conseil de la générale inquisition, donna son assentiment au projet de Plantin ; il lui fit compter les 6 000 écus qu’il avait demandés, et, voulant que la nouvelle Bible fût aussi remarquable sous le rapport de la correction des textes que sous celui de l’exécution typographique, il ordonna au docteur Arias Montano, l’un des hommes les plus érudits de son siècle, de se rendre à Anvers, pour en surveiller l’impression. Montano devait revoir toutes les épreuves, de manière qu’aucune feuille n’en fût mise sous presse, sans qu’il eut donné ce que, en termes d’imprimerie, on appelle le bon à tirer. Le roi prescrivit qu’il fût fait, pour lui et à ses frais, six exemplaires de la Bible en parchemin, nombre qu’il porta ensuite à douze.

Arias Montano arriva aux Pays-Bas le 15 mai 1568, et à Anvers, le 17 du même mois. Il ne connaissait Plantin que de réputation ; dès ses premiers rapports avec lui, il fut frappé de son génie : « Dieu a créé cet homme, écrivit-il au roi, pour être l’ornement de l’art typographique. » Il enchérit encore sur cet éloge, dans ses lettres au secrétaire Çayas.

Frontispice de la Bible polyglotte de Christophe Plantin

Frontispice de la Bible polyglotte de Christophe Plantin

À quelque temps de là, Pie V adressa un bref à Plantin, pour le charger d’imprimer le Bréviaire général, aucune des trois éditions qui en avaient été faites à Rome par Manuce, imprimeur du sacré collège et du peuple romain, n’étant satisfaisante. Arias Montano en donna avis à Çayas, et, à cette occasion, il lui répéta que, de sa vie, il n’avait vu un homme plus habile que Plantin, et qui eût en même temps plus de bonté et de vertu. Chaque jour, ajoutait-il, il découvrait en lui des qualités nouvelles. Il le louait surtout de la grande humilité et de la patience incroyable qu’il montrait envers ceux de son art qui lui portaient envie. Il écrivit une autre fois à Çayas, à propos de Plantin, dont il venait d’exalter les soins et la diligence : « Il n’y a pas de matière en lui ; tout y est esprit. Il ne boit ni ne mange, et il dort peu. »

L’impression de la Bible polyglotte, commencée en 1568, fut achevée en 1572 : elle formait, selon le dernier projet de Plantin, huit gros volumes in-folio, savoir : cinq contenant la Bible même, et les trois autres l’Apparatus sacer. Pour les exemplaires en parchemin commandés par le roi, le nombre des volumes fut doublé.

Si quelque chose peut donner une idée de l’habileté et de l’activité incomparables de Plantin, c’est, à coup sûr, l’accomplissement, dans le court espace de quatre années, d’une œuvre aussi colossale. Nous ne nous étonnons donc pas, en le voyant écrire à Çayas le 24 novembre 1572 : « A présent qu’elle est achevée (la Bible), je m’épouvante et m’émerveille de telle entreprise, laquelle je n’oserais maintenant entreprendre de refaire, encore qu’on me donnât en pur don douze mille écus comptants, je sais que celle-ci se pourrait, maintenant que tous les caractères et ordonnances sont faites, faire à 6 000 écus de moins que je ne l’ai su faire. »

Pendant tout le temps que dura l’impression de la Bible, quarante ouvriers y furent continuellement employés : il ne venait personne à Anvers, doué de quelque savoir, qui ne fût jaloux de visiter la maison où ce grand ouvrage s’exécutait. Une des lettres de Plantin à Çayas donne le détail des exemplaires de la Bible polyglotte qu’il imprima. Ils étaient au nombre de 1 200, savoir : 10 en grand papier impérial d’Italie, valant de 36 à 40 florins la rame, prix exorbitant à cette époque ; 50 en un autre grand papier impérial ; 200 en papier un royal de Lyon, dit au raisin ; 960 en papier fin royal de Troyes. Il y eut, de plus, les douze exemplaires en parchemin commandés par le roi, et un treizième, resté incomplet. Les 1 200 exemplaires ne furent tirés toutefois que des cinq volumes dont se composait la Bible ; Plantin fut obligé, faute d’argent, de réduire au chiffre de 600 le tirage des trois volumes de l’Apparatus sacer.

Des douze exemplaires en parchemin, un fut remis au duc d’Albe, qui le fit orner d’une riche garniture d’argent, un deuxième fut offert au pape, un troisième fut envoyé au duc de Savoie : le tout, en vertu des ordres de Philippe II. Arias Montano expédia au roi les neuf autres exemplaires. Plantin fit hommage au monarque qui avait encouragé son entreprise, d’un des dix exemplaires en grand papier impérial d’Italie, et d’un des trente exemplaires en papier impérial moins beau : Çayas reçut un exemplaire en papier un royal de Lyon.

Cependant Plantin avait retiré plus de gloire que de profit de son entreprise. La dépense en avait de beaucoup excédé ses prévisions. Il n’avait pu l’achever qu’en y menant tout ce qu’il possédait, et ce qu’il avait obtenu en prêt de ses amis. Il s’était même vu obligé de vendre des exemplaires de la Bible au-dessous du prix de revient, afin d’être payé comptant. Un tel résultat aurait inspiré des regrets à bien d’autres : lui ne s’en plaignit pas ; il se félicita, au contraire, d’avoir été l’instrument employé à une si sainte œuvre :

« Et ceci, écrivit-il à Çayas, est le principal à quoi je prétends maintenant, et non pas de laisser un magnifique nom, d’amasser aucunes richesses, ni d’en laisser à mes enfants ou gendres, qui, pour avoir tous longtemps demeuré à mon service, savent la ténuité de mon état, et qu’il leur convient travailler, ainsi qu’ils ont toujours vu et voient que je le fais autant qu’il plaît à Dieu m’en donner la grâce et le moyen. Car je peux dire, avec assurance de la vérité, que je n’ai jamais cherché ni cherche d’avoir grand renom, d’être fait grand, ni d’avoir des richesses pour mon particulier profit ou des miens, mais seulement que je puisse une fois satisfaire à mes créditeurs. »

Aux dépenses excessives occasionnées par la Bible royale vint se joindre, pour Plantin, une autre cause de détresse : il avait imprimé, par ordre du cardinal de Granvelle, des psautiers et des antiphonaires à notes pour le chœur : par suite des malheurs du temps, ces livres ne se vendaient pas.

Le duc d’Albe, malgré ses principes de despotisme, n’en était pas moins un protecteur zélé des sciences et des lettres. Autant que personne, il appréciait Plantin. Ce fut lui qui le nomma prototypographe ou architypographe du roi, « pour avoir superintendance sur le fait de l’imprimerie, avec autorité d’examiner et approuver les maîtres et ouvriers de tous les pays de par deçà, et de leur délivrer des lettres de capacité. » Il lui donna, en propriété, à Anvers, un terrain, pour y ériger la librairie royale et une maison qui serait destinée à la fois à son imprimerie et à sa demeure. Il prescrivit que tous les imprimeurs des Pays-Bas remissent à l’avenir à l’architypographe un exemplaire de chacun des livres qui sortiraient de leurs presses, pour être gardé dans ladite librairie.

Ces mesures n’eurent malheureusement pas les résultats que leur auteur s’en était promis. Plantin, faute de fonds, ne put commencer l’érection de la bibliothèque royale ; il ne prit même pas possession du terrain qui lui avait été assigné : de leur côté, les imprimeurs, après le départ du duc d’Albe, qui suivit de près les ordonnances que nous venons de rappeler, ne voulurent pas s’y soumettre. Plantin, n’ayant pas le moyen de les contraindre, demanda, en 1576, à Çayas que le roi le remplaçât, dans l’office d’architypographe, par quelqu’un qui eût plus d’autorité et d’argent que lui, « de manière, lui dit-il, que je redevienne tout simplement (comme je le suis) Plantin, riche de renommée et pauvre de deniers, mais serviteur très dévoué et pour toujours de Sa Majesté et de ses ministres, ainsi que de tous les amis de notre sainte foi catholique romaine et de la littérature. »

Marque d'imprimeur ou marque typographique des ouvrages scientifiques publiés par Christophe Plantin

Marque d’imprimeur ou marque typographique des ouvrages scientifiques publiés par Christophe Plantin
(dessin réalisé en bois gravé que les imprimeurs utilisaient pour authentifier leur production).
On retrouve le compas d’or, du nom de son imprimerie De Gulden Passer
et, à l’arrière plan, la ville de Tours, près de laquelle il est né en 1520. La devise
en grec « Metpon Apieton » signifie « La Meilleure Méthode »

Au commencement de 1576, Plantin était réduit à une telle misère — c’est l’expression dont il se servait —, que lui et ses gendres furent obligés de travailler aux ouvrages d’autrui. Cela n’empêcha point pourtant qu’il ne dépensât, la même année, près de 50 000 florins par lui empruntés, pour préparer, selon le désir du roi, l’impression d’un grand Antiphonaire et de diverses sortes de missels. Le sac d’Anvers survint bientôt après, et la maison de Plantin ne fut pas épargnée par les soldats espagnols. Puis éclata la révolte des Pays-Bas. Accablé par tous ces événements, chargé des intérêts de la somme qu’il avait levée en dernier lieu, Plantin dut vendre, pour la moitié de sa valeur, la maison qu’il possédait à Paris ; des vingt-deux presses qu’il avait à Anvers, il n’en conserva que quinze.

Plantin était très attaché à la cause royale. Après la rupture des états généraux avec don Juan d’Autriche, il se retira à Paris. Le secrétaire Çayas chercha alors à l’attirer en Espagne : il lui promit, s’il voulait se fixer dans ce royaume, tout l’appui du souverain. Mais Plantin avait aussi une grande affection pour sa patrie adoptive ; il aimait Anvers, qui avait été le théâtre de sa gloire. Il revint en cette ville à la fin de 1578.

Pour faire apprécier exactement les services rendus aux sciences et aux lettres par Plantin, rappelons seulement ici quelques-uns des écrivains les plus distingués dont les œuvres ont été reproduites par ses presses. Trois savants ingénieux créaient alors à la fois la botanique qui les reconnaît encore pour pères. Dodonée, Lecluse et De Lobel, de rivaux pouvaient devenir adversaires au grand détriment de la science. Divisés, non seulement ils eussent eu peine à s’occuper aussi utilement qu’ils le firent de concert, mais encore, ils auraient difficilement subvenu aux dépenses que nécessitait la gravure des planches qui devaient éclaircir les textes de leurs livres. Plantin sut les tenir toujours unis ; il publiait leurs œuvres, engageait l’un à traduire les travaux de l’autre, faisait les frais des gravures qu’il rendait communes à leurs diverses productions, quand cela se pouvait, et aplanissait toutes les difficultés.

Quand Ortelius eut conçu le gigantesque projet de publier un atlas géographique, Plantin fut encore le premier éditeur de cette œuvre inouïe jusqu’alors, ainsi qu’il le fut de tous les autres travaux du Ptolémée du XVIe siècle, comme on l’appela ensuite. La fameuse table dite de Peutinger, est à peine retrouvée, que Plantin la reproduit par ses presses. Les Annales ecclésiastiques de Baronius, les œuvres historiques de Pierre Van Dieve de Louvain, les ouvrages critiques et les poésies de Laevinus Torrentius, de Charles de Langhe, de Jean Lernout, l’Anacréon Brugeois, de Victor Giselin et des neveux de Lævinus Torrentius, Jean Lievens et André de Paep, les nombreux écrits du bon père André Schottn ceux par lesquels Simon Stévin faisait faire de si grands pas aux sciences mathématiques, étaient imprimés pour la première fois ou reproduits avec empressement par Plantin, qui souvent aussi faisait traduire en flamand, en français ou en latin les productions espagnoles ou italiennes qu’il jugeait dignes de cet honneur, telles que la Description des Pays-Bas par le neveu de l’illustre historien de l’Italie, François Guicciardini, dont les Français ont fait Guichardin, et plusieurs des ouvrages de Dodonée, de Simon Stévin, etc.

Juste Lipse dont Plantin imprima magnifiquement les Oeuvres complètes, en accompagnant ses ouvrages d’archéologie de planches gravées qui lui occasionnèrent aussi de grandes dépenses, avait pour l’illustre imprimeur dont il avait été quelque temps le commensal, une amitié qu’il exprime vivement dans plusieurs endroits de ses nombreux écrits. La lettre qu’il adressa en réponse au dernier billet que Plantin lui avait écrit peu de temps avant de mourir, et où il lui promet d’exécuter religieusement ses vœux quels qu’ils soient, et celle qu’il adressa après sa mort au gendre de son ami, Raphelengius, ne peuvent être lues sans attendrissement :

« Vous avez fait une grande perte, mon fils, lui dit-il... je sais combien il vous aimait... mais sachons, à son exemple, car en qui cette vertu brilla-t-elle jamais avec plus d’éclat que chez lui, sachons plier nos volontés à celle du Très-Haut... J’aurais écrit à Moretus, mais hélas, je suis si peu en état de consoler : non que je me laisse abattre, l’auteur du traité de la Constance en rougirait ; mais je ne suis pas assez ferme pour soutenir les autres, je chancèle souvent moi-même et j’ai besoin d’appui. »

Christophe Plantin mourut à Anvers le 1er juillet 1589, laissant une veuve, Jeanne Rivière, dont les vertus modestes ont été louées par Juste Lipse et qui continua l’impression de tous les ouvrages commencés à Anvers, avec son gendre Moretus et sa seconde fille. Sa fille aînée, mariée avec François Raulenghien (Raphelengius), eut l’imprimerie de Leyde, et la plus jeune, femme de Gille Beys, l’imprimerie de Paris.

Tous se réunirent pour lui faire élever au côté droit du chœur de la cathédrale d’Anvers un monument décoré d’un tableau de Jacques de Backer et du portrait de Plantin. Lors de l’invasion française en 1794, le monument fut détruit comme tant d’autres ; le tableau enlevé, placé plus tard au Musée de Paris, puis rendu en 1815 et replacé en 1819 par les soins des petits-enfants de ses filles, avec une inscription, où les très nobles descendants du grand typographe oublièrent qu’aucun blason ne peut être aussi honorable pour eux que le nom tout simple de leur aïeul, l’imprimeur Christophe Plantin.

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