LA FRANCE PITTORESQUE
25 juin 1637 : exécution de l’alchimiste
Noël Picard dit Dubois
(D’après « Éphémérides universelles, ou Tableau religieux, politique,
littéraire, scientifique et anecdotique, etc. » (Tome 6), édition de 1834)
Publié le samedi 25 juin 2022, par Redaction
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Successivement capucin, prêtre, luthérien puis catholique avant de se marier, il se prétendait possesseur de secrets merveilleux et trompa quelque temps le cardinal de Richelieu qui, piqué d’avoir été pris pour dupe, fit condamner Dubois à mort pour crime de magie
 

Noël Picard naquit à Coulommiers, où son père exerçait la chirurgie ; il se destina d’abord à la même carrière ; mais bientôt il changea d’avis et se mit au service d’un nommé Dufay, qui l’emmena dans le Levant. Pendant trois ou quatre ans que durèrent ses voyages dans cette contrée, il chercha toujours à s’instruire dans les sciences occultes. De retour à Paris, il passa six ans dans la débauche, avec les adeptes de la philosophie hermétique. Ne sachant plus comment exister, il entre chez les Capucins de la rue Saint-Honoré ; mais au bout de sept ou huit mois, il s’enfuit par-dessus les murs des Tuileries.

Trois ans après, son esprit inconstant le ramène à la vie monastique ; il fait son noviciat, prononce ses vœux, et est reçu prêtre sous le nom de Père Simon. Dix ans s’étaient écoulés dans la paresse et la débauche, mais la liberté manquait à Dubois ; il quitta le couvent et se réfugia en Allemagne. Là il abjura le catholicisme et embrassa la religion luthérienne. Sept ou huit ans après, il revient en France, abandonne sa nouvelle religion, se marie avec Suzanne Leclerc, fille d’un guichetier de la Conciergerie, et, prend les noms de Jean de Mailly, sieur de la Maillerie et Dubois.

Un alchimiste préparant la pierre philosophale. Gravure (colorisée) de 1635

Un alchimiste préparant la pierre philosophale. Gravure (colorisée) de 1635

Pendant tout le cours de cette vie licencieuse et agitée, Dubois n’avait pas cessé un seul instant de s’occuper d’alchimie ; se croyant possesseur d’assez de ruses et d’artifices pour faire des dupes, il les chercha dans les classes élevées de la société ; mais probablement il ne pensait pas compter un jour pour ses clients des têtes couronnées ; la fortune, en le comblant d’abord de ses faveurs, le conduisit à sa perte.

Ayant fait connaissance de l’abbé Blondeau, celui-ci le présenta au fameux P. Joseph, comme pouvant rendre les plus grands services à l’Etat. Le P. Joseph s’empressa d’annoncer au cardinal de Richelieu le sauveur de la France. On croit facilement ce qu’on désire, Richelieu ne douta pas un moment des talents merveilleux de Dubois. On convint que Dubois opérerait en présence du roi, de la reine, du cardinal, du P. Joseph, de l’abbé Blondeau, des surintendants, etc. Le jour marqué, Picard se rend au Louvre, et, pour éviter tout soupçon de supercherie, demande un adjoint. Le roi lui donne un garde-du-corps, nommé Saint-Amour. On allume un fourneau sur lequel on place un creuset ; Dubois se fait apporter des balles de mousquet, les jette dans le creuset avec un grain de poudre de projection ; puis recouvre le tout de cendre.

Comme on le pense bien, Dubois était parvenu à glisser un véritable lingot d’or sous les balles. Au bout d’un certain temps, il prie le roi d’écarter la cendre avec un soufflet ; Louis XIII s’en acquitte avec tant d’ardeur, que la reine et tous les assistants sont aveuglés par la poussière. Enfin paraît cet or tant désiré. Le roi embrasse Dubois, le fait chevalier et président des trésoreries de France, avec le droit de chasser sur toutes les terres de la couronne ; promet le chapeau au P. Joseph, nomme Blondeau conseiller d’état, et donne huit mille francs à Saint-Amour.

L’expérience est réitérée avec un nouveau succès. Alors le cardinal demande à Dubois six cent mille francs par semaine ; le charlatan promet d’abord, puis demande un délai ; on le lui accorde. Arrive le terme fatal, et rien encore ; les soupçons commencent à naître. Dubois est arrêté, conduit à Vincennes, puis à la Bastille ; une commission est nommée pour le juger. Appliqué à la question, il confesse les crimes de vols, escroqueries, rognures de monnaies ; mais la vanité du cardinal lui fait chercher un crime imaginaire, celui de magie, qui entraîne la mort.

Dubois nia encore et voulut opérer ; mais n’ayant pu réussir, il fut conduit au supplice. En chemin, il avoua toutes ses fourberies, et en signa la déclaration chez un notaire, puis remonta dans la charrette et reçut la mort avec résignation et courage.

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