LA FRANCE PITTORESQUE
28 juin 1792 : La Fayette
à la barre de l’Assemblée législative
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Publié le jeudi 28 juin 2012, par Redaction
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L’influence des soutiens de la constitution de 1791 déclinait chaque jour davantage en présence du parti populaire qui devait sa force, et peut-être même la naissance, à l’antipathie de la cour pour cette constitution. Le général La Fayette, à qui l’attachement de ses soldats et son ancienne popularité conservaient le plus de crédit parmi tous ses amis politiques, écrivit, le 16 juin 1792, une lettre qui parvint le 18 à l’Assemblée législative, dans le principal but de dénoncer hautement la faction des Jacobins.

Il les accusait de tous les désordres, de tenir sous le joug les représentants de la France, et de substituer partout leur tyrannie au règne de la loi. Tandis que le côté droit applaudissait à la lecture de cette lettre, le côté gauche gardait un silence improbateur. On ne manqua pas de faire une distinction légitime entre les pétitions des simples citoyens qui donnaient un avis ou réclamaient justice, et les leçons d’un général à la tète de ses troupes ; on argua même de faux la signature de La Fayette, et sa lettre, dont on avait demandé l’impression et l’envoi aux départements, fut déposée au comité des Douze pour en constater l’authenticité.

Arriva la journée du 20 juin. La demeure du roi envahie, la loi audacieusement violée, étaient des motifs de réclamations énergiques pour le parti constitutionnel. La Fayette, après s’être concerté avec le maréchal Luckner pour que son absence ne compromit en rien le sort des troupes, prit cette occasion de venir à Paris attester lui-même l’authenticité de sa lettre, s’exprimer fortement contre les violences commises an château des Tuileries , essayer enfin, avec l’aide de la cour et de la garde nationale, de remettre debout la constitution penchante.

Le 28, vers une heure et demie, le général se présenta à la barre comme l’organe de ses compagnons d’armes ; il supplia l’Assemblée de poursuivre les auteurs du 20 juin , de détruire une secte dont les débats publics ne laissaient aucun doute sur la perversité de ses projets, de faire respecter les autorités, et de donner aux armées l’assurance que la constitution ne recevrait aucune atteinte au dedans, taudis qu’elles verseraient leur sang pour la défendre au dehors. Applaudi par les membres de la droite et par une partie des tribunes, La Fayette est invité aux honneurs de la séance. Guadet se leva aussitôt, attaqua le général sur cette apparition inattendue, qui, dit l’orateur avec ironie, l’avait fait croire un instant à la défaite des Autrichiens et à l’anéantissement de nos ennemis extérieurs, et conclut en demandant qu’on prît des informations touchant le congé accordé à M. de La Fayette par le ministre de la guerre. Ramond défendit le général, qu’il appela le fils aîné de la liberté, et vota pour le renvoi de la pétition au comité extraordinaire qui s’occuperait de remédier aux causes de désorganisation qu’elle dénonçait. Trois cent trente-neuf voix se prononcèrent en faveur de celte notion contre deux cent trente-quatre. Ce premier triomphe semblait en présager d’autres pour les constitutionnels.

La Fayette, en sortant de l’Assemblée, avec un cortège nombreux de députés et de gardes nationaux, se rendit au château. Il n’y rencontra que froideur ou bienveillance affectée. Une lettre adressée au roi par le duc de Brunswick, du quartier-général de Coblentz, pour le conjurer d’attendre à Parts que les émigrés et les troupes coalisées vinssent le chercher, expliquent le refus qu’essuya la démarche de La Fayette. La reine déclara, et les Mémoires de madame Campan existent pour l’attester, qu’il valait mieux périr que de devoir son salut à l’homme qui leur avait fait le plus de mal, et de se mettre dans la nécessité de traiter avec lui.

Abandonné par les royalistes, affaibli de tout ce que cette tentative de jeter l’épée d’un soldat dans la balance des affaires intérieures de la patrie, venait d’ôter à sa popularité, réduit à quelques constitutionnels, à quelques gardes nationaux dévoués, La Fayette ne renonça pas encore au projet qui l’avait amené à Paris. Il voulait marcher contre les Jacobins, les expulser violemment et fermer la salle de leurs séances. Mais jamais il ne parvint à réunir un assez grand nombre de ses partisans pour oser attaquer un adversaire dont la profonde stupeur lui promettait une victoire facile. Il repartit à la fin pour son armée, désespéré de voir tous ses efforts n’aboutir qu’à des dénonciations virulentes et à des menaces journalières d’assassinat. Et ce n’était pas là le seul châtiaient qu’il avait à subir pour avoir voulu sauver Marie-Antoinette d’Autriche et ses enfants ; la cour de Vienne l’attendait aux cachots d’Olmutz.

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