LA FRANCE PITTORESQUE
L’avertisseur sonore (Quand)
de bicyclette fait débat
(D’après « L’Auto-Vélo », paru en 1897)
Publié le lundi 8 mai 2023, par Redaction
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Tandis que les avertisseurs sonores de bicyclette viennent en 1897 de faire l’objet d’un arrêté ministériel mécontentant le public, Edouard de Perrodil, chroniqueur de L’Auto-Vélo, soumet malicieusement l’idée d’un « orchestre avertisseur » à même de satisfaire le plus grand nombre
 

Les journaux spéciaux, et même les journaux politiques, nous ont appris dernièrement que le ministre de l’Intérieur avait enfin précisé, par une intelligente circulaire, les points de détail restés obscurs dans les arrêtés concernant le fameux avertisseur pour bicyclettes, explique Edouard de Perrodil.

La question était, on s’en souvient, des plus embarrassées. Un cycliste doit avoir un « avertisseur », tel est le fait que nul ne contestait, mais où commençait l’incertitude c’est ici : quel devait être cet avertisseur ? Une sonnette, un grelot, une trompe, un timbre ? Cet avertisseur devait-il se faire entendre d’une manière constante, on suffisait-il qu’il fût intermittent ?

Il y avait aussi la question de l’emplacement. L’avertisseur, quel qu’il soit, du reste, pouvait-il être placé devant ou derrière la machine indifféremment ? Question des plus intéressantes, car enfin si la voix humaine pouvait, à la rigueur, répondre aux termes de certains arrêtés comme étant un avertisseur intermittent, il est certain que l’on pouvait également avoir recours à d’autres avertisseurs... j’en demande pardon aux lecteurs de L’Auto-Vélo... mais enfin... à un autre genre d’avertisseurs, dis-je, que l’artiste forain, le pétomane eût trouvé fort commode.

Quoiqu’il en soit, cette terrible question a été complètement résolue puisque le ministre de l’Intérieur a décidé qu’il suffisait désormais de faire fonctionner... un appareil... quelconque... un certain nombre de mètres avant la rencontre d’un intéressé. C’est fort bien.

Malheureusement si l’administration et les cyclistes ont été du coup satisfaits par la circulaire ministérielle, je sais bien quelqu’un qui ne l’est pas encore. C’est le public. Ce bon public, qu’il s’agisse d’un grelot, d’un timbre, d’une trompe, ou.... de la voix humaine par quelque côté quelle se manifeste, est toujours grincheux, et quand un cycliste annonce sa présence par un avertissement sonore, il est certain d’avance de provoquer la mauvaise humeur de l’averti. Rien n’y fait.

Dans ces conditions, les cyclistes pourraient à leur tour y aller de leur petite circulaire et décider que dans leur ardent désir de conciliation, ils vont appliquer un système qui ne peut que donner la plus complète satisfaction au public.

Comme par le passé ils emploieront la trompe ou le grelot, seulement au lieu d’une simple trompe ou d’un simple grelot, ils en auront toute une série représentant la gamme chromatique. De cette manière ils pourront remplacer le bruit monotone et grincheux de l’un de ces appareils, par toute une sonnerie en carillon du plus séduisant effet. Il leur sera même permis d’approprier la sonnerie à l’aspect du « monsieur » rencontré sur son chemin.

Si le « monsieur » est une gentille dame, on lui exécutera une symphonie ravissante qui aura le double avantage d’attirer son attention et... peut-être ses bonnes grâces ; si c’est un passant plus ou moins quelconque, un petit air de musique également quelconque suffira à le faire se ranger en amortissant sa mauvaise humeur. S’il s’agit d’une vieille guenon... un atroce charivari produira un résultat merveilleux.

Si, enfin, il s’agit... d’un... vieux singe... oh ! alors ! nisco !... seul... le pétomane déjà nommé... pouvant avec un appareil sui generis, graduer largement ses effets sera en mesure défaire... face à la situation.

Voilà brièvement expliqué le projet que je soumets à mes frères les cyclistes. J’ai, pour ma part, la plus absolue confiance dans sa réussite.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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