LA FRANCE PITTORESQUE
Sports pratiqués par les jeunes Parisiens
au milieu du XVIe siècle
(D’après « Comptes-rendus des séances de l’Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres », paru en 1929)
Publié le mercredi 23 avril 2014, par Redaction
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En 1543, un étudiant d’origine prussienne ayant vécu quelques mois à Paris décrit pour la première fois les sports auxquels, durant les beaux jours, s’adonnent les jeunes Parisiens, et confirme ainsi des écrits de Rabelais qu’on estimait n’être qu’une idéalisation
 

C’est Abel Lefranc, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui en 1929 entretint ses confrères d’un curieux poème latin, composé et publié en 1543, chez Christian Wechel, par un jeune étudiant d’origine prussienne, nommé Eustache de Knobelsdorf, qui vécut à Paris environ seize mois (1541-1543). Il mit à profit ce séjour pour écrire une description en vers latins de notre capitale, description enthousiaste, d’un grand intérêt, et fort exacte dans les détails comme dans l’ensemble.

Le poème comprend environ 1420 vers ; il porte ce titre : Lutetiae Parisiorum descriptio, authore Eustathio a Knobelsdorf, Pruteno. Parisiis. MDXLIII. Il renferme dans ses premières pages une précieuse description des exercices physiques tels que la jeunesse d’alors les pratiquait sur les bords de la Seine. Ce texte, qui n’a pas encore été étudié, ajoute Lefranc, prouve d’une façon évidente que le programme des « sports », qui figure dans le célèbre chapitre XXIII du Gargantua de Rabelais, était déjà suivi pour une large part, au moment où le grand Tourangeau écrivait, c’est-à-dire huit ou neuf ans avant Knobelsdorf (vers 1534).

Jeu du tir à l'arc

Jeu du tir à l’arc

On avait toujours cru que Rabelais esquissait dans cet épisode une conception idéale non encore réalisée. Le texte de la Descriptio de 1543 prouve que l’illustre écrivain a surtout décrit ce qu’il avait pu voir pratiquer autour de lui, tout en forçant un peu les couleurs de son mémorable tableau.

Knobelsdorf décrit avec charme les exercices auxquels se livraient les jeunes gens, accourus en foule de tous les points de la région parisienne, et même de plus loin, au cours des belles journées de l’été : combats à l’épée, courses à pied, courses de chars ou de chevaux, luttes sous différentes formes, sauts, lancer du javelot, poids très lourds soulevés. Insistant sur l’aimable émulation de toutes ces jeunes énergies, Eustache compare, à ce propos, la France à la Grèce, en donnant visiblement la palme à notre pays.

Il évoque les jeux fameux de l’ancienne Hellade, où un pin fleuri était le prix de la victoire : jeux olympiques, pythiques, isthmiques. Notre poète décrit ensuite les exercices variés de natation, avec plongeons audacieux, que l’on rencontre pareillement dans Gargantua. Jamais, observe-t-il, aucun accident ne vient attrister ces aimables spectacles. Abel Lefranc pense que la plupart de ces exercices se déroulaient sur les espaces libres du Pré-aux-clercs, le long de la Seine, et dans certaines îles du fleuve, alors laissées en terrains vagues, peut- être aussi dans l’île de la Cité et dans l’île Notre-Dame (île Saint-Louis), où nous savons qu’il existait des « palis pour luitier », comme aussi des « bersiaux » pour tirer à l’arbalète et à l’arc.

Il rapproche du texte de 1543 diverses allusions faites à des pratiques semblables en 1586 et en 1611. De toute façon, cette description des sports parisiens est certainement la plus ancienne qui nous soit parvenue. Elle prouve que la conception moderne des exercices physiques avait été, de très bonne heure, réalisée dans notre pays.

Le poète avait été quelque peu le familier du cardinal Jean du Bellay, protecteur de Rabelais, comme l’indique une poésie qui fait suite à son poème sur Paris. Il fait revivre d’une plume alerte l’aspect de la grande ville, sans omettre l’encombrement ni le fracas de ses rues. Il décrit avec admiration les monuments, les fondations multiples et les ressources considérables réservées à toutes les misères par la générosité publique.

L’une des parties les plus caractéristiques est celle qui est consacrée à l’enseignement des professeurs royaux — plus tard Collège de France — qui fonctionnait depuis treize ans (1530). Il réserve à ces huit maîtres, tous alors célèbres, de grands éloges et fournit sur chacun d’eux des détails précis et piquants. La libéralité témoignée par le roi François Ier à l’égard de toutes les études savantes, y compris la médecine, se trouve louée dans ces pages avec un enthousiasme véritable.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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