LA FRANCE PITTORESQUE
Pâques à une date fixe ?
Voeu des vacanciers des années 1920 !
(D’après « Le Petit Journal illustré », paru en 1932)
Publié le dimanche 5 avril 2015, par Redaction
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Dans les années 1920, et cependant que les réjouissances de Pâques deviennent peu à peu synonymes de villégiature après la longue réclusion hivernale, certains, à la suite d’un mouvement né en Angleterre, voudraient bien voir une date fixe assignée à la fête chrétienne, pour coïncider chaque année avec les beaux jours...
 

Ce n’est pas encore-cette année que nous verrons la fête de Pâques stabilisée. La date de Pâques c’est un peu le casse-tête chinois du calendrier, explique Ernest Laut en 1932. Entre le 22 mars au plus tôt et le 25 avril au plus tard, Pâques peut occuper trente-cinq dates différentes. Ainsi l’a voulu le Concile de Nicée, en 325.

Suivant la tradition, la résurrection du Christ se produisit au lendemain de la pleine lune qui suivit l’équinoxe du printemps ; le dit Concile décida, en conséquence, que la fête de Pâques serait célébrée chaque année le premier dimanche qui suit la pleine lune équinoxiale, c’est-à-dire la pleine lune qui vient immédiatement après le 21 mars :

Pour fêter le printemps

Pour fêter le printemps

Il résulte de là que Pâques ne peut arriver avant le 22 mars ni après le 25 avril. Si, en effet, la pleine lune a lieu le 21 mars, le dimanche suivant le plus rapproché tombera le 22. Si la pleine lune vient le 20 mars, ce ne sera pas la lune équinoxiale : celle-ci ne viendra que le 18 avril ; et le dimanche suivant sera au plus tard, le 25 avril. Ces deux dates extrêmes se produisent rarement. C’est ainsi que Pâques a été célébré le 22 mars 1818, et ne le sera plus à cette date qu’en l’an 2285. La fête a été célébrée le 25 avril en 1874 ; en 1885 ; en 1943.

Nos aïeux attachaient peu d’importance à ces dates. La semaine sainte était pour eux une période d’exercices religieux, de jeûne et d’abstinence, à laquelle succédait, le dimanche et le lundi de Pâques, une série de réjouissances familiales et de bombances en intimité. Peu leur importait qu’il fît froid ou qu’il plût au dehors. On se distrayait au logis ; et l’on ne songeait pas, à une époque où le moindre voyage était une affaire d’Etat, à courir les chemins pour son plaisir.

Or, il n’en est plus de même aujourd’hui. Les vacances de Pâques sont devenues une période de villégiature. Après la longue réclusion de l’hiver, chacun est pris par la fièvre du déplacement et la fringale du grand air. On ne rêve plus que de partir à la recherche des premières sensations printanières. La pratique de la bicyclette d’abord, puis celle de l’automobile ont si bien développé le goût de tourisme, qu’aux vacances de Pâques, même si l’hiver n’a pas dit son dernier mot ; un grand nombre de citadins s’en vont aux champs.

Malheureusement, quand Pâques arrive de bonne heure, quand la nature n’a pas encore « dépouillé son manteau de vent, de froidure et de pluie », la fête perd tous ses attraits pour les voyageurs. Mais, par contre, si les vacances pascales tombent dans la seconde quinzaine d’avril, les amateurs de villégiature ont toutes les chances du monde pour bénéficier des premiers beaux jours.

C’est pourquoi, dès les années 1920, on réclama la stabilisation de la fête de Pâques, c’est-à-dire sa fixation à une date immuable, et éloignée le plus possible des jours froids et maussades de l’hiver. Le mouvement est parti d’Angleterre. Nos voisins, qui sont grands voyageurs, aiment à villégiaturer à Pâques ; et ils voulaient pouvoir le faire sans risquer les rhumes et les congestions.

En 1920, un bill avait été déposé à la Chambre des lords à ce sujet. Les évêques anglais s’en mêlèrent, le cardinal de Westminster promit d’intervenir auprès du pape pour obtenir la réforme. Un concile devait se tenir à Rome en vue de modifier « dans le sens des aspirations modernes le statut de Pâques fixé jadis par le concile de Nicée.

Enfin, la Société des nations fut sollicitée d’intervenir, en tant que plus haute émanation du pouvoir civil et, partant, la voix même des peuples... Or, la stabilisation de la fête de Pâques intéressait également tous les pays de la chrétienté. Une commission spéciale de la S. D. N. — la commission du Calendrier — avait été chargée de s’occuper de la question. Mais la dite commission ne fit pas besogne fructueuse.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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