LA FRANCE PITTORESQUE
Le mètre devient l’unité de longueur
et la base du nouveau système métrique
par décret du 7 avril 1795
(Extrait de « Paris pendant l’année 1795 », paru en 1795)
Publié le jeudi 7 avril 2016, par Redaction
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Le 7 avril 1795 et suite au rapport du député Prieur, de la Côte d’Or, Prieur, la Convention nationale adoptait un décret relatif aux poids et mesures, le mètre devenant l’unité de longueur et la base du nouveau système métrique, et une agence étant créée afin de porter à la connaissance du public ces nouvelles dispositions, et de l’aider dans leur apprentissage
 

La Convention Nationale voulant assurer au peuple Français le bienfait des poids et mesures uniformes et invariables, précédemment décrétés, et prendre les moyens les plus efficaces pour en faciliter l’introduction dans toute la République, après avoir entendu le rapport de son comité d’instruction publique, a décrété ce qui suit :

1. L’époque prescrite par le décret du 1er août 1795, pour l’usage des nouveaux poids et mesures, est prorogée, quant à sa disposition obligatoire, jusqu’à ce que la Convention Nationale y ait statué de nouveau en raison des progrès de la fabrication : les citoyens sont cependant invités de donner une preuve de leur attachement à l’unité et à l’indivisibilité de la République, en se servant dès à présent des nouvelles mesures dans leurs calculs et transactions commerciales.

2. Il n’y aura qu’un seul étalon des poids et mesures pour toute la République : ce sera une règle de platine sur laquelle sera tracé le mètre qui a été adopté pour l’unité fondamentale de tout le système des mesures. Cet étalon sera exécuté avec la plus grande précision, d’après les expériences et les observations des commissaires chargés de sa détermination ; il sera déposé près du corps législatif, ainsi que le procès-verbal des opérations qui auront servi à le déterminer, afin qu’on puisse les vérifier dans tous les temps.

3. Il sera envoyé dans chaque chef-lieu de district, un modèle conforme à l’étalon prototype dont il vient d’être parlé, et en outre un modèle de poids exactement déduit du système des nouvelles mesures. Ces modèles serviront à la fabrication de toutes les sortes de mesures employées aux usages des citoyens.

4. L’extrême précision qui sera donnée à l’étalon en platine, ne pouvant pas influer sur l’exactitude des mesures usuelles, ces mesures continueront d’être fabriquées d’après la longueur du mètre adopté par les décrets antérieurs.

5. Les nouvelles mesures seront distinguées dorénavant par le surnom de Républicaines ; leur nomenclature est définitivement adoptée, comme il suit. On appellera :

Mètre. La mesure de longueur égale à la dix millionième partie de l’arc du méridien terrestre compris entre le pôle boréal et l’équateur.
Are. La mesure de superficie pour les terrains, égale à un quarré de dix mètres de côté.
Stère. La mesure destinée particulièrement aux bois de chauffage, et qui sera égale au mètre cube.
Litre. La mesure de capacité, tant pour les liquides que pour les matières sèches, dont la contenance sera celle du cube de la dixième partie du mètre.
Gramme. Le poids absolu d’un volume d’eau pure, égal au cube de la centième partie du mètre, et à la température de la glace fondante.
Enfin l’unité des monnaies prendra le nom de Franc, pour remplacer celui de Livre usité jusqu’aujourd’hui.

6. La dixième partie du mètre se nommera Décimètre, & la centième partie Centimètre.

On Décamètre une mesure égale à dix mètres : ce qui fournit une mesure très commode pour l’arpentage.
Hectomètre. Signifiera la longueur de cent mètres.
Enfin, Kilomètre, et Myriamètre, seront des longueurs de mille et de dix mille mètres, et désigneront principalement les distances itinéraires.

7. Les dénominations des mesures des autres genres seront déterminées d’après les mêmes principes que celles de l’article précédent. Ainsi Décilitre sera une mesure de capacité dix fois plus petite que le litre ; Centigramme sera la centième partie du poids d’un gramme. On dira de même Décalitre pour désigner une mesure contenant dix litres ; Hectolitre pour une mesure égale à cent litres. Un Kilogramme, un Myriagramme, seront des poids de mille et de dix mille grammes. On composera d’une manière analogue les noms de toutes les autres mesures. Cependant lorsque l’on voudra exprimer les dixièmes ou les centièmes du franc, unité des monnaies, on se servira des mots décime et centime déjà reçus en vertu des décrets antérieurs.

8. Dans les poids et mesures de capacité, chacune des mesures décimales de ces deux genres aura son double et sa moitié, afin de donner à la vente des divers objets toute la commodité que l’on peut désirer. Il y aura donc le double litre et le demi-litre, le double-hectogramme & le demi-hectogramme, ainsi des autres.

9. Pour rendre le remplacement des anciennes mesures plus facile et moins dispendieux, il sera exécuté par parties et à différentes époques. Ces époques seront décrétées par la Convention Nationale, aussitôt que les mesures républicaines se trouveront fabriquées en quantités suffisantes, et que tout ce qui tient à l’exécution de ces changements, aura été disposé. Le nouveau système sera d’abord introduit dans les assignats et monnaies, ensuite dans les mesures linéaires ou de longueur, et progressivement étendu à toutes les autres.

10. Les opérations relatives à la détermination de l’unité des mesures de longueur et de poids, déduites de la grandeur de la terre, commencées par l’académie des sciences, et suivies par la commission temporaire des mesures, en conséquence des décrets des 8 mai 1790 et 1er août 1791, seront continuées jusqu’à leur entier achèvement par des commissaires particuliers choisis principalement parmi les savants qui y ont concouru jusqu’à présent, et dont la liste sera arrêtée par le comité d’instruction publique. Au moyen de ces dispositions l’administration dite commission temporaire des poids et mesures est supprimée.

11. Il sera formé en remplacement une agence temporaire composée de trois membres, et qui sera chargée sous l’autorité de la commission de l’instruction publique de tout ce qui concerne le renouvellement des poids et mesures, sauf les opérations confiées aux commissaires particuliers dont il est parlé dans l’article précédent. Les membres de cette agence seront nommés par la Convention Nationale sur la proposition de son comité d’instruction publique. Leur traitement sera réglé par ce comité, en se concertant avec celui des finances.


Usage des nouvelles mesures : litre, gramme, mètre, are, franc, stère

12. Les fonctions principales de l’agence temporaire, seront :
1°. De rechercher et employer les moyens les plus propres à faciliter la fabrication des nouveaux poids et mesures pour les usages de tous les citoyens.
2°. De pourvoir à la confection et à l’envoi des modèles qui doivent servir à la vérification des mesures dans chaque district.
3°. De faire composer et de répandre les instructions convenables pour apprendre à connaître les nouvelles mesures, et leurs rapports avec les anciennes.
4°. De s’occuper des dispositions qui deviendraient nécessaires pour régler l’usage des mesures républicaines, et de les soumettre au comité d’instruction publique qui en fera rapport à la Convention Nationale.
5°. D’arrêter les états de dépense de toutes les opérations qu’exigeront la détermination et l’établissement dis nouvelles mesures, afin que ces dépenses puissent être acquittées par la commission d’instruction publique.
6°. Enfin de correspondre avec les autorités constituées, et les citoyens dans toute la République, sur tout ce qui sera utile pour hâter le renouvellement des poids et mesures.

13. La fabrication des mesures républicaines sera faite, autant qu’il sera possible, par des machines, afin de réunir à l’exactitude, la facilité et la célérité dans les procédés, et par conséquent de rendre l’achat des mesures d’un prix médiocre pour les citoyens.

14. L’agence temporaire favorisera la recherche des machines les plus avantageuses ; elle en commandera, s’il en est besoin, aux artistes les plus habiles ; on les proposera au concours suivant les circonstances. Elle pourra aussi accorder des encouragements en avances, matières ou machines aux entrepreneurs qui prendraient des engagements convenables pour quelque partie importante de la fabrication des nouveaux poids et mesures. Mais dans tous ces cas, l’agence sera tenue de prendre l’autorisation du comité d’instruction publique.

15. L’agence temporaire déterminera les formes des différentes sortes de mesures, ainsi que les matières dont elles devront être faites, de manière que leur usage soit le plus avantageux possible.

16. Il sera gravé sur chacune de ces mesures leur nom particulier ; elles seront marquées en outre du poinçon de la République, qui en garantira l’exactitude.

17. Il y aura à cet effet dans chaque district des vérificateurs chargés de l’apposition du poinçon. La détermination de leur nombre et de leurs fonctions fera partie des règlements que l’agence préparera pour être ensuite soumis à la Convention Nationale par son comité d’instruction publique.

18. Le choix des mesures appropriées à chaque espèce de marchandise aura lieu de manière que, dans les cas ordinaires, on n’ait pas besoin de fractions plus petites que les centièmes. L’agence recherchera les moyens de remplir cet objet, en s’écartant le moins possible des usages du commerce.

19. Au lieu des tables des rapports entre les anciennes et les nouvelles mesures, qui avaient été ordonnées par le décret du 8 mai 1790, il sera fait des échelles graphiques pour estimer ces rapports sans avoir besoin d’aucun calcul. L’agence est chargée de leur donner la forme la plus avantageuse, d’en indiquer la méthode et de la répandre autant qu’il sera nécessaire.

20. Pour faciliter les relations commerciales entre la France et les nations étrangères, il sera composé sous la direction de l’agence un ouvrage qui offrira les rapports des mesures françaises avec celles des principales villes de commerce des autres peuples.

21. Pour subvenir à toutes les dépenses relatives à l’établissement des nouvelles mesures, ainsi qu’aux avances indispensables pour le succès de cette opération, il y sera affecté provisoirement un fonds de cinq cent mille livres que la trésorerie nationale tiendra à cet effet â la disposition de la commission d’instruction publique.

22. La disposition de la loi du 4 frimaire, an deuxième [24 novembre 1793], qui rend obligatoire l’usage de la division décimale du jour et de ses parties, est suspendue indéfinitivement.

23. Les articles des lois antérieures au présent décret, et qui y sont contraires, sont abrogés.

24. Aussitôt la publication du présent décret, toute fabrication des anciennes mesures est interdite en France, ainsi que toute importation des mêmes objets venant de l’étranger, à peine de confiscation et d’une amende du double de la valeur desdits objets. La commission des administrations civiles, police et tribunaux, et celle des revenus nationaux, sont chargées de l’exécution du présent article.

25. Dès que l’étalon prototype des mesures de la République aura été déposé au corps législatif par les commissaires chargés de sa confection, il sera élevé un monument pour le conserver, et le garantir de l’injure des temps. L’agence temporaire s’occupera d’avance du projet de ce monument destiné à consacrer de la manière la plus indestructible la création de la République, les triomphes du peuple français, et l’état d’avancement où les lumières sont parvenues dans son sein.

26. Le comité d’instruction publique est chargé de prendre tous les moyens de détail nécessaires pour l’exécution du présent décret, & l’entier renouvellement des poids et mesures dans toute la République. Il proposera successivement à la Convention les dispositions législatives qui devront en dépendre.

27. L’agence temporaire rendra compte de ses opérations à la commission d’instruction publique, et au comité de ce nom avec lequel clic, pourrait correspondre directement pour la célérité des opérations.

28. Il est enjoint à toutes les autorités constituées, ainsi qu’aux fonctionnaires publics, de concourir de tout leur pouvoir à l’opération importante du renouvellement des poids et mesures.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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