LA FRANCE PITTORESQUE
Samedi 7 avril 1498 : Charles VIII
meurt après avoir heurté un linteau
(D’après « Histoire de Charles VIII roi de France d’après des documents
diplomatiques inédits ou nouvellement publiés » (Tome 2), paru en 1868)
Publié le samedi 7 avril 2012, par Redaction
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Le samedi 7 avril 1498 mourait Charles VIII qui, se rendant dans les fossés du château d’Amboise la veille de Pâques pour y voir jouer à la paume, se heurta violemment à un linteau, semblant ne pas en être affecté bien qu’étourdi sur le coup
 

Le samedi 7 avril 1498, veille de Pâques fleuries, Charles VIII voulut, après son dîner, descendre avec la reine dans les fossés du château d’Amboise, pour y voir jouer à la paume. Ils passèrent par une galerie qui était, au dire de Comines, « rompue à l’entrée, et le lieu le plus déshonnête de léans. » La porte en était très basse, et, malgré que le roi fût petit de taille, il s’y heurta le front. Un peu étourdi de ce coup, sans toutefois s’arrêter, il regarda longtemps les joueurs et parla même à plusieurs personnes.

Charles VIII

Charles VIII

Mais, vers deux heures après midi, en traversant une seconde fois ce passage pour rentrer au château, on l’entendit dire qu’il avait espérance de ne faire jamais péché mortel ni véniel ; puis au même instant, frappé d’apoplexie, il tomba à la renverse, perdit la parole et le sentiment. On le coucha sur une pauvre paillasse, d’où il ne bougea plus.

Chacun entrait dans cette galerie et en sortait à son gré. On l’y laissa neuf heures durant, sans que personne parût songer à le transporter dans un lieu moins immonde. Trois fois ce malheureux prince put prononcer quelques mots : « Mon Dieu et la glorieuse vierge Marie, dit-il d’une voix presque éteinte, monseigneur saint Claude et monseigneur saint Blaise me soient en aide. » Vers neuf heures, il expira. « Combien donc, ajoute Comines, à qui ce récit est emprunté, peut-on, par cet exemple, cognoistre la puissance de Dieu estre grande, et que c’est peu de chose que de nostre misérable vie, qui tant nous donne de peine pour les choses du monde ; et que les roys n’y peuvent résister, non plus que les laboureurs. » (Comines, livre VIII, chap. XXV)

Chacun courut vers le nouveau roi, qui s’appelait Louis XII. C’était le duc Louis d’Orléans, négligé de tous parce qu’il était tombé en demi-disgrâce ; adulé aujourd’hui, flatté, encensé jusque dans ses travers, alors qu’il devenait le maître.

Anne de Bretagne montra une douleur si excessive, qu’on put croire qu’il y avait de l’exagération. Elle voulut porter en noir le deuil de cet époux très peu fidèle, alors qu’il était d’usage que les reines le portassent en blanc. Pourtant ses larmes se séchèrent vite. Quatre mois après, le 10 août, elle signait une promesse de mariage avec Louis XII, qui devait recevoir son accomplissement aussitôt qu’il serait possible.

La dépouille mortelle de Charles VIII demeura huit jours à Amboise, dans une chapelle ardente, où jour et nuit des prêtres et des moines se tenaient en prières, pendant que les officiers de la maison royale y étaient de garde. Ce temps écoulé, le corps fut transporté en grand appareil à Saint-Denis. « Notre volonté, avait écrit Louis XII aux gens des comptes de Paris, est que l’enterrement et les obsèques du feu roi soient faites avec la plus grande solennité ; que tous les honneurs possibles lui soient rendus lorsque le char funèbre entrera dans notre capitale. »

Cet ordre fut obéi. Le trajet se fit lentement, à petites journées, parce que dans chaque ville où on passait, un service pour l’âme du défunt était célébré. Le cortège fort nombreux, conduit par le grand écuyer, escorté d’un bataillon de Suisses et d’un escadron des archers de la garde, arrivait à Paris le dimanche 29 avril. Le parlement en robes rouges, la chambre des comptes, le prévôt des marchands et le corps de ville, le clergé, les moines et les religieux mendiants, enfin quatre cents pauvres portant des torches allumées, et ornées d’écussons aux armes de France, l’attendaient hors des portes.

On se mit en marche. Les sergents de ville faisaient vider les rues, qu’une foule innombrable encombrait. Le cercueil était placé sur un lit de parade couvert d’un tapis dé drap d’or, sur lequel une grande croix blanche était bordée d’une bande de velours bleu, semée de fleurs de lis. Seize gentilshommes le portaient. Au-dessus on voyait une figure couchée « faite au vif », et qui représentait le feu roi en habits royaux, la couronne sur la tête, le sceptre dans une main, la main de la justice dans l’autre.

Les quatre présidents tenaient les coins du drap mortuaire. Le prévôt des marchands et les échevins portaient le dais. Venaient ensuite, chacun selon son rang, les cardinaux de Gurek et de Luxembourg, les gentilshommes de la maison, les grands dignitaires et les princes du sang eux-mêmes, en manteau de deuil avec chaperon, à longue queue traînante. Les archers de la garde fermaient la marche. Le corps fut conduit à Notre-Dame, et le lendemain, après qu’un service solennel eut été fait, on se rendit à Saint-Denis, dans le même ordre que la veille. Le cardinal de Luxembourg officia. L’évêque d’Angers prononça l’oraison funèbre, puis on fit à l’inhumation les cérémonies accoutumées.

Charles VIII avait été bon et tolérant pour ses serviteurs ; tous l’aimaient, tous versaient d’abondantes larmes. A en croire certains récits, lorsqu’on descendit le cercueil dans le caveau, que les officiers du défunt rompirent leurs bâtons de commandement, et que le maître des cérémonies cria, ainsi qu’il était d’usage : Le roi est mort ; Vive le roi ! deux domestiques du palais moururent de saisissement et de douleur (Observations sur les Mémoires de Comines, tome XII de la collection des Mémoires sur l’Histoire de France).

Charles VIII cessa de vivre à l’âge de vingt-sept ans neuf mois et quelques jours, après un règne de quatorze ans et un peu plus de sept mois. Avec lui finissait la ligne directe des Valois, qui avait duré cent dix-neuf ans et comptait sept rois : Philippe VI, Jean, Charles V, Charles VI, Charles VII, Louis XI et Charles VIII. La couronne échut à la branche des Valois Orléans dans la personne de Louis XII. Dix-sept ans plus tard, elle devait passer à une autre branche, celle des Valois Angoulême, qui la conserva jusque vers la fin du XVIe siècle.

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