LA FRANCE PITTORESQUE
Pièces percées : projet suscitant
quelque interrogation caustique en 1913
(Extrait du « Petit Journal illustré », n° du 2 février 1913)
Publié le dimanche 12 août 2012, par Redaction
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Dès 1913, les journaux du temps annonçaient l’avènement imminent des prochaines pièces de nickel perforées, qui furent effectivement mises en circulation l’année suivante, ainsi frappées de façon à économiser la quantité de métal utilisé pour leur fabrication
 

Ce bouleversement suscita quelque interrogation, notamment celle d’un chroniqueur caustique qui décide d’aborder La question du trou à l’aide d’un poème publié le 2 février 1913 :

Pièce percée de 25 centimes (1920)

Pièce percée de 25 centimes (1920)
Oui, la chose est certaine,
Puisque nos députés,
L’une de ces huitaines,
L’ont ainsi décrété :
On va changer nos pièces,
Les futurs petits sous,
Pour qu’on les reconnaisse,
Seront percés d’un trou.

Une telle réforme
Semble au premier abord
Ne montrer rien d’énorme,
D’étrange ou de très fort.
Mais pour ceux qui regardent
La question de près,
Il faut y prendre garde :
Elle a de l’intérêt.

Ce que parler veut dire
On le sait, direz-vous,
Et quoiqu’on puisse écrire,
Un trou ce n’est qu’un trou !
Pour le simple vulgaire
C’est vrai probablement,
Mais moi, je ne crois guère
A ce raisonnement.

Tout bas je m’inquiète
De savoir en effet
Comment sur les piécettes
Le dit trou sera fait,
Quelle sera sa taille
Et si nous le verrons
Gros comme une futaille
Ou comme un puceron.

L’un semble plus pratique
Et plus visible aussi,
L’autre plus artistique,
Plus élégant et si
De l’un les gens myopes
Se déclarent contents,
Les fils de Calliope
N’en diront pas autant.

Et puis, autre problème
Sur lequel, empressé,
Plus d’un deviendra blême
A force d’y penser :
Dans le but de nous plaire,
Ce trou sera-t-il rond,
Ouvré, triangulaire,
Ovoïde ou oblong ?

Copiera-t-il la forme
D’un croissant ou d’un fil,
D’un casque d’uniforme
Ou d’un pot ? Sera-t-il
Palme (on les aime en France)
Etoile (pour les preux)
Trèfle (signe de chance),
Cœur (pour les amoureux) ?

L’intérêt veut qu’on songe
A ce modeste trou,
Car dans la poche on plonge
Sans cesse pour un sou
Et bientôt en ce monde
Les plus pauvres, c’est clair,
Auront dans leur profonde
Un petit trou pas cher.

Eh bien, en cette instance
S’il vous faut mon avis,
Moi, vu les circonstances
Dont on parle à l’envi,
En fait de trou, j’estime
Qu’il faut, c’est avéré,
Un point qui soit minime,
Oui, mais un point... carré.

Au moment de la publication de ce poème, Raymond Poincaré, ancien président du Conseil des ministres, venait d’être élu (17 janvier) président de la République, succédant à Armand Fallières. Il prendra ses fonctions le 18 février suivant.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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