LA FRANCE PITTORESQUE
Pamphlet (Un) de 1793 dénonce la nullité
du jugement condamnant Louis XVI à mort
(Extrait de « Protestation présentée au peuple français
contre le jugement de Louis XVI », paru en 1793)
Publié le mardi 17 janvier 2012, par Redaction
Imprimer cet article
En 1793, quelque temps après que le jugement condamnant Louis XVI ait été prononcé, paraît, sous le titre de Protestation présentée au peuple français contre le jugement de Louis XVI, un pamphlet dont l’auteur se propose de démontrer que la condamnation prononcée revêt tous les caractères d’une décision nulle au sens juridique. Entre autres arguments, il avance que ceux qui l’ont rendu ont cumulé deux pouvoirs cependant que le texte des droits de l’homme stipule explicitement qu’ils doivent être distincts et séparés ; qu’ils ont déclaré Louis XVI jugeable par eux avant que l’abolition de la royauté ne fût prononcée ; qu’en leur qualité de juges ils auraient dû respecter une majorité des deux tiers ; qu’ils ont rejeté l’appel légitime au peuple que Louis XVI avaient formulé devant eux...
 

Qui sont ces mandataires, pour se rendre tout puissants et exercer sans notre aveu, et pourtant en notre nom, un acte de souveraineté absolue dans la cause la plus sérieuse qui puisse affecter une nation, le jugement et la condamnation de son Roi ? Je ne ferai que leur répéter ce que Pétion leur a dit dans la tribune : « Où sont ces mandats, où est cette mission expresse qui vous donne le droit de vous élever au-dessus de la sanction du peuple ? »

Vous n’êtes pas seulement ses mandataires élus dans ses assemblées primaires ; vous ne tenez vos pouvoirs que de ses électeurs ; avons-nous autorisé nos électeurs à nous donner des despotes qui puissent réunir à la faculté de faire des lois, celle de les appliquer ? Les avons-nous surtout autorisés à exercer la justice suprême, et à méconnaître la souveraineté du peuple par un honteux rejet de l’appel interjette à son autorité ?


Interrogatoire de Louis XVI

Si ces étranges juges avaient respecté cet appel, voici, Citoyens, ce que je vous aurais dit. Chez aucun peuple on n’a exactement défini les cas où une nation doit ou peut selon l’équité reprendre l’exercice de la souveraineté, lorsqu’elle l’a une fois délégué, soit à un seul, soit à plusieurs magistrats perpétuels. Le peuple le plus célèbre de l’antiquité, celui chez lequel les sages des autres nations allaient puiser des leçons, les Egyptiens jugeaient aussi leurs Rois, mais ce n’était qu’après leur mort ; ils condamnaient ou absolvaient la mémoire, et non la personne. Est-ce par respect pour le représentant perpétuel auquel ils avaient délégué l’autorité suprême ? Non, ce motif n’était que secondaire ; ils pensaient que le repos public était intéressé à l’inviolabilité d’un Roi vivant, et que c’était assez pour eux, que de proposer à ses successeurs, ou un objet de malédiction qui pût les effrayer, ou un modèle qu’ils dussent imiter.

Est-il des cas où un Roi puisse être frappé d’une mort civile, dont les effets soient semblables à ceux d’une mort naturelle ? Je ne traiterai point cette question délicate, qui, heureusement pour le repos des nations, devient très rarement le sujet d’une discussion.

Mais si la Convention Nationale avait envisagé cette affaire mémorable sous ce point de vue, elle aurait pris une marche plus assurée ; celle qui est la plus régulière est toujours la plus sûre, et les formes ont toujours été et seront toujours les conservatrices du fondement de toutes les lois ; avant de décréter que Louis XVI serait jugé par elle, elle aurait décrété l’abolition de la Royauté, et si nous avions confirmé ce décret par notre sanction formelle, Louis XVI fût tombé dans le cas de la mort civile, comme Roi, alors nous eussions condamné ou absous la mémoire de son règne. La Convention a précisément fait l’inverse ; avant d’abolir la Royauté, elle a décrété que Louis XVI serait jugé par elle ; par cette marche elle lui a laissé son inviolabilité au moment même qu’elle y portait atteinte, et elle a déclaré jugeable un être qu’elle reconnaissait encore revêtu de la Royauté.

J’avoue, Citoyens, qu’à la vue de cette contradiction mon embarras est extrême, et je n’ai plus de base certaine pour un jugement ; car si avant l’abolition de la Royauté, Louis XVI n’était pas jugeable, comment a-t-il pu être condamné depuis, lui, qui resserré dans une étroite prison, n’a pu se rendre coupable d’aucuns faits postérieurs ?

Mon embarras redouble, lorsque je considère que le décret de l’abolition de la Royauté n’a pas été porté à la sanction formelle du peuple. Des adresses d’adhésion, fussent-elles venues de tous les départements, de tous les districts, peuvent-elles suppléer à renonciation du vœu de l’universalité, ou seulement de la majorité du peuple français, légalement convoqué dans ses assemblées primaires ?

De tous les discours qui ont été prononcés à la tribune, dans cette cause qui intéresse tous les peuples, celui du Citoyen Pétion m’a paru renfermer les raisonnements les plus spécieux ; c’est donc à eux que je m’attacherai plus particulièrement.

Il fait d’abord à l’assemblée dont il est membre, cette question : « Pouvions-nous renvoyer ce procès devant un tribunal national ? » Je ne répondrai pas que non, parce que nos commettants n’avaient pas limité nos pouvoirs. Mais de ce que ces pouvoirs n’étaient pas énoncés dans les mandats , peut-on en conclure qu’il fussent illimités ! La conséquence serait absurde ; autant vaudrait-il dire que les commettants ont entendu rendre leurs délégués tout puissants. Le parlement d’Angleterre est aussi composé de représentants dont les pouvoirs ne sont pas spécifiquement énoncés dans leurs mandats, prétendrait-on pour cela, que des pouvoirs sont illimités ? Toute l’Angleterre crierait à l’anathème et à l’usurpation ; elle entend que les pouvoirs de ses représentants soient limités, non seulement par les règles éternelles et générales de la justice naturelle, mais encore par les principes de sa constitution particulière.

Il est vrai qu’au moment de la convocation de l’assemblée actuelle, ses pouvoirs n’étaient pas définis par une constitution préexistante, puisque c’est pour en former une durable qu’elle a été principalement convoquée. Mais il est impossible de supposer qu’il soit entré dans l’intention de ses commettants, qu’elle pût s’élever au-dessus des règles de la justice éternelle ; c’est pourtant ce qu’elle eût fait, si, à l’exemple de Cromwell, elle eut donné à Louis XVl, des juges auxquels elle eût pu être soupçonnée vouloir dicter leur sentence.

Pe’tion s’est donc trompé en insinuant que la convention aurait pu renvoyer le procès de Louis XVI devant un tribunal national ; son procédé n’eût été régulier qu’autant qu’elle aurait demandé au corps collectif de la nation et un juré d’accusation et un juré de jugement. Par cette marche, elle aurait concilié la dignité de sa mission avec le vœu de la justice naturelle. Cette marche eut évité au citoyen Pétïon l’embarras de répondre à un argument de la plus grande force, par une distinction sophistique. Il avoue que dans la thèse générale, un législateur ne peut être juge, mais il excepte le cas où une mesure de sûreté serait inséparable d’un jugement particulier.

Sans doute la nécessité excuse dans de certains cas, si elle ne justifie pas une violence faite aux règles générales. Mais en supposant que la sûreté publique exigeât que Louis XVI fût jugé, où était la nécessité qu’il le fût par la convention ? ou au moins quel devait être le juge de cette nécessité ? N’est-ce pas le corps collectif de la nation lui-même ? C’est donc lui qu’il fallait consulter, et il aurait pourvu à la forme de l’instruction comme à celle du jugement.

Le citoyen Pétion confirme lui-même cette réflexion. Il trouve qu’il y aurait eu de la timidité dans la convention à ne juger que le fait, et il voulait qu’elle prononçât aussi la peine ; cependant un instant après, il convient que le refus du renvoi du jugement au peuple serait une usurpation de pouvoir.

Que Pétion s’accorde donc avec lui-même. Si la convention n’avait ni mandats, ni mission pour prononcer en dernier ressort sur Louis XVI, en avait-elle davantage pour le juger en première instance ? Où sont ses mandats, sa mission pour cela ?

Si donc le jugement porté contre Louis XVI était nul et incomplètement rendu par la convention en première instance, à combien plus forte raison est-il infecté de ces vices, quand on le considère comme un jugement souverain et sans appel ? Ou toutes les notions que nous avons sur la souveraineté sont fausses, ou l’appel des jugements est son principal attribut ; si donc elle réside dans le peuple, personne ne peut, sans une mission spéciale de sa part, exercer la justice souveraine, à moins d’usurper son pouvoir.

Jusqu’à présent, je n’ai parlé qu’au raisonnement : appelons au conseil le sentiment, et laissons à la seule humanité à prononcer. Tout le peuple français a accepté, juré, et est disposé à maintenir cette partie de la constitution qui, dans toutes les poursuites criminelles, exige impérieusement un juré d’accusation distinct du juré de jugement. Quelle est en effet la horde sauvage qui donnerait à un accusé pour juges ses dénonciateurs Se ses accusateurs ? Je ne crois pas qu’il en existe de cette espèce sur la surface de la terre ; c’est pourtant ce qui vient d’arriver dans l’affaire de Louis XVI de la part d’un tribunal indéfinissable et tel que l’inquisition n’en a jamais fourni d’exemple, ni même donné l’idée ; et pour achever le prodige, on a vu des hommes qui avoient notoirement et publiquement ouvert leur avis, avant le jugement, opiner à la mort ; on en a vu d’autres qui, sans voir les pièces du procès, ni en entendre aucune des défenses de l’accusé, ont envoyé par la poste, de deux cent lieues de l’instruction, leur avis également à la mort.

Le voilà donc qu’il se transforme en juré de jugement, ce même tribunal qui 24 heures avant, avait pris la forme de juré d’accusation ; bientôt nous lui verrons prendre la qualité de juge sans appel ; c’est-à-dire, que nous le verrons, successivement proposer l’accusation , déclarer l’accusé convaincu, et prononcer arbitrairement la peine.

Dans quels termes propose-t-il l’accusation ? Louis est-il coupable ? Cette question ainsi posée, était évidemment insidieuse ; car pour des faits qui se sont passés durant le règne de la constitution, Louis XVI ne pouvait être accusé que comme Roi Constitutionnel. La question devait donc être posée dans ces termes : « Louis XVI est-il, ou non coupable d’avoir violé la constitution qu’il avait acceptée ! » Si la preuve du fait avait été acquise, le juré de jugement aurait eu un seul mot à prononcer ? « Coupable ». Alors les juges n’auraient eu autre chose à faire qu’à ouvrir le code de la constitution, et à déclarer la peine qui y est écrite, la déchéance.

Mais ce n’est point ainsi qu’on a procédé ; le juré de jugement a dénaturé la question proposée par celui d’accusation, et en ajoutant au mot coupable ceux de haute trahison, il a transporté la cause et l’accusé, du code constitutionnel au code pénal, c’est-à-dire qu’il a renvoyé Louis XVI, qui ne devait être jugé que comme roi d’après la constitution, dans la classe des citoyens ordinaires qui se rendraient coupables de haute trahison. Sous ce point de vue, l’assemblée devenait doublement incompétente en enfreignant la loi de la constitution non encore abolie, et en violant une loi en pleine vigueur, celle des jurés.

Si, dans une cause ordinaire, un juré de jugement dénaturait les termes de l’accusation, en y ajoutant ou en en altérant le sens, son prononcé serait indubitablement dans le cas de la cassation, celui de l’assemblée qui a déclaré Louis XVI coupable de haute trahison, tandis qu’il ne pouvait l’être que de contravention à la constitution, peut-il échappera la censure ?

On voit d’avance le préjudice que cette erreur devait causer à l’accusé, car lorsqu’une fois le juré de jugement l’a déclaré convaincu d’un fait exactement défini, il ne reste plus aux juges qu’à ouvrir le livre de la loi, et à prononcer la peine qui y est textuellement écrite ; ils ne sauraient être ses interprètes, ils ne doivent en être que les organes ; ils ne peuvent délibérer entre eux sur l’application de la peine, que dans le cas où il n’y aurait à juger que l’intention de l’accusé, ou dans celui où il y aurait eu erreur dans le prononcé du juré.

Ainsi, cette fastueuse séance de trente-six heures, qui paraît avoir été apprêtée au théâtre, dans le jugement de Louis XVI, devenait entièrement inutile ; le prononcé qui le déclarait coupable de haute trahison le renvoyait nécessairement au code pénal, où est écrit la mort. Si on peut être surpris, c’est de ce qu’il se soit trouvé parmi les votants, des hommes qui, après avoir prononcé le mot traître, aient opiné à une peine différente de celle qui est écrite ; tant il est vrai que dans ce procès, qui est le sceau de la fatale destinée de Louis XVI, tout devait être marqué au coin de l’arbitraire.

Enfin on compte les voix ; la première qui vient douloureusement affecter nos oreilles, est celle d’un renégat ; quel est le tigre qui l’engendra, et quelle est la louve qui le porta dans ses flancs impurs ? cependant sa voix est comptée. Plusieurs autres viennent après, qui, revêtus du caractère de pasteurs d’une communion qui abhorre le sang, ne se font pas de scrupule d’appeler sur eux celui d’une illustre victime, et leurs voix sont comptées. Vient ensuite la troupe incendiaire des dénonciateurs, des accusateurs, de ceux qui avoient ouvert leur opinion avant le jugement ; et leurs voix sont comptées.

Enfin, le président proclame le résultat de l’appel nominal et dit : l’assemblée est composée de sept cent quarante-cinq membres ; un est mort, six sont malades, deux sont absents sans cause, onze sont absents par commission, et quatre non votants : ce qui fait en tout vingt-quatre membres qui n’ont point donné de voix ; le nombre des votants se trouve ainsi réduit à sept cent vingt-un ; pour que la majorité soit acquise, il faut une réunion de trois cent soixante-un suffrages ; c’est-à-dire, la moitié plus un.

Il y a eu dans le premier recensement des voix une erreur, qui a été rectifiée dans le second appel nominal sur le sursis ; le président a proclamé que sur 748 membres, au lieu de 745, 17 étaient absents par commission, 21 par maladie, 8 sans cause, 12 non votants. L’assemblée étant ainsi réduite à 690 votants, il s’en est trouvé 310 pour le sursis, et 380 pour l’exécution, ce qui ne faisait encore qu’une majorité absolue, et une différence de 70 voix, tandis que celle des deux tiers était requise ainsi qu’une différence de 230 voix.
Mais d’abord, quant à la réduction des suffrages, a-t-on renoncé, dans cette assemblée, à ce que les mœurs publiques ont consacré chez toutes les nations ? et l’estime publique est-elle au nombre de ces préjugés, sur la ruine desquels le règne philosophique doit s’établir ? je veux parler des récusations ; il n’y a pas un peuple policé sur la terre, qui n’en ait consacré l’usage, comme par instinct ; il n’en est pas un qui ne notât d’une sorte d’infamie ceux de ses juges, qui ne s’abstiendraient pas volontairement de prononcer dans une cause, dans laquelle il y aurait des moyens notoires de récusation à proposer contre eux.

J’interpelle ici le président, et je lui demande s’il n’était pas de sa dignité et de celle de l’assemblée de lui dire : « Citoyens ! s’il en est parmi vous qui tiennent à l’accusé par les liens du sang ou de la parenté ; s’il en est d’autres dont le caractère religieux répugne, chez tous les peuples de l’Europe, à l’effusion du sang ; s’il en est enfin qui aient manifesté leur opinion avant le jugement, je les avertis que l’honnêteté publique les invite à se retirer ; l’Europe qui vous contemple les verrait avec indignation conserver le caractère de juges, et les défenseurs de l’accusé, qui sont là, leur diraient tout bas, en fixant les yeux sur eux : Hunc egero, iniquus est.

Je les récuse donc, moi, et je crois que tous les hommes honnêtes en feront autant. Si on en porte le nombre à vingt seulement, celui des votants se trouvait réduit à sept cent un. Ici se présente la question, comment la majorité des suffrages devait être acquise ; est-ce la majorité absolue, ou la majorité requise dans un juré de jugement ? Dans le premier cas, il ne fallait que la moitié plus un, c’est-à-dire, trois cent cinquante et une voix ; dans le second , il fallait les deux tiers, c’est-à-dire quatre cent soixante-six.

Or, il n’y en a eu que trois cent soixante-six pour la mort ; donc, il s’en faut de cent voix que la majorité eut été acquise dans un juré de jugement. Mais, dit-on, la question sur la majorité avait été proposée, et il avait été décrété qu’on s’en tiendrait, dans ce jugement, à la majorité absolue, comme dans la formation des décrets ordinaires de l’assemblée ; mais répondez à ce dilemme : si vous avez prononcé comme législateurs, vous avez outrepassé vos pouvoirs ; si vous avez prononcé comme juges d’un juré, il vous fallait suivant votre propre code, les deux tiers des voix.

Vainement dira-ton que le code n’astreint que les jurés à une majorité des deux tiers, et que les juges, en appliquant la peine, peuvent s’en tenir à une majorité absolue. Pur sophisme ! Lorsque le juré a déclaré le fait, les juges ne peuvent plus délibérer sur l’application de la peine, que dans le cas où il y aurait eu erreur dans le prononcé du juré ; or cette erreur n’a point été objectée ni mise en question ; en tout cas elle n’aurait pu être interprétée qu’en faveur de l’accusé ; les juges étaient donc astreints à suivre dans le prononcé du jugement, la même majorité qu’ils avaient suivie dans celui du juré ; or cette majorité était des deux tiers.

Ainsi sous tous les rapports le jugement prononce contre Louis XVI est nul.

Il est nul en ce que ceux qui l’ont rendu ont cumulé deux pouvoirs, qui, suivant le texte exprès des droits de l’homme, doivent être distincts et séparés.

II est nul en ce qu’ils ont déclaré Louis XVI jugeable par eux, avant que l’abolition de la royauté ne fût prononcée.

Il est nul en ce qu’ils ont cumulé dans leurs personnes la qualité de juré d’accusation et celle de juré de jugement, tandis que suivant le code criminel, ces deux jurés doivent être distincts et séparés.

Il est nul en ce que, comme juré de jugement, ils ont déclaré Louis XVI coupable de haute trahison, tandis que l’accusation ne portait que sur le mot pur et simple de coupable.

Il est nul en ce qu’ils n’ont ni proposé, ni jugé les récusations de droit, que la notoriété publique élevait contre un grand nombre d’entre eux.

Il est nul, en ce qu’en leur qualité de juges, ils ont, dans l’application de la peine, suivi une majorité de suffrages différente de celle qu’ils avoient suivie dans le juré de jugement.

Il est nul enfin, en ce qu’ils ont rejeté l’appel au peuple, que Louis XVI a porté devant eux.

Je proteste, en mon nom, comme membre du corps collectif de la nation contre un rejet, qui porte une atteinte formelle à la souveraineté du peuple. J’avoue que je ne puis m’étonner assez que les défenseurs de Louis XVI dont je me plaisais à considérer les lumières, autant que je respectais leur généreux dévouement, n’aient pas suivi dans cet appel, la marche que la hiérarchie judiciaire indiquait naturellement.

L’appel d’un jugement n’est autre chose que le recours au souverain ; c’est ainsi qu’il est qualifié chez la plupart des nations de l’Europe. Il faut donc qu’il soit porté directement et par un acte solennel par devant le supérieur, en même temps qu’il est notifié à l’inférieur afin de suspendre l’exécution du jugement de celui-ci.

(...)

Louis XVI vivant était intéressé à faire abjurer à son fils tout sentiment de vengeance ; Louis XVI mort sur un échafaud lui donne le monde entier pour vengeur. Quelle sera la première démarche des armées étrangères qui vont fondre sur le territoire français ? Car, ne nous le dissimulons plus, ses frontières vont être envahies ; c’est de rendre les départements où elles pénétreront, responsables de la mort tragique de leur roi. Que diront ces départements ? Qu’ils n’ont eu aucune part à cet attentat, et qu’ils le désavouent. Que deviendront alors leurs députés ? Quel asile trouveront-ils ?

Ah, citoyens ! Cessez d’être les dupes des rêves politiques dont on vous entretient depuis trop longtemps ; « Abattez, vous ont-ils dit, la tête de Louis XVI, et la terreur fera crouler tous les trônes des despotes. » Cette prédiction, croyez-moi, ne se vérifiera pas plus que celles qui vous annonçaient, il y a dix mois, la défection de leurs armées, et après elle, celle de leurs peuples ; mettez un terme à vos illusions et aux perfides suggestions de ceux qui ont entrepris de vous égarer ; expiez, s’il est possible, le crime épouvantable dont la France vient d’être souillée, et vengez vous-mêmes le ciel de la témérité de ces nouveaux Titans, qui, en bravant la foudre, la feront tomber sur vous-mêmes.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE