LA FRANCE PITTORESQUE
Qui compte sans son hôte
compte deux fois
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Publié le dimanche 18 décembre 2011, par Redaction
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L’on ne petit traiter une affaire qu’en présence de la personne qui y est intéressée
 

C’est comme si, dans une hôtellerie, on voulait faire son compte tout seul, à part soi, ce qui ne se peut pas. Il faut que l’hôte et l’hôtelier soient présents, sans cela on risque d’être obligé de compter une seconde fois. La raison de ce proverbe, pris dans le sens propre, est que l’hôte a tout intérêt de savoir si celui qu’il a logé ne s’est pas trompé dans ses calculs.

Cette erreur n’était pas à craindre avant l’établissement des auberges, car les Anciens n’en possédaient pas. On logeait chez les particuliers auxquels on rendait la pareille à l’occasion . On donnait la moitié d’une pièce de monnaie ou tout autre marque ou objet qui faisait admettre celui qui la portait comma mi de la maison. On conservait précieusement cette marque ou cet objet et on les passait des pères aux enfants.

Ce droit d’hospitalité était si respecté qu’on établit des hôpitaux (du latin hospes), en faveur des passants qui n’avaient pas de connaissances dans les endroits où leurs affaires les appelaient. On les y recevait et on les défrayait de toutes leurs dépenses. L’origine de cet usage peut se rapporter au concile d’Aix-la-Chapelle en 816. On lit dans les statuts de la règle des chanoines, lesquels furent dressés par ce concile, à la demande de Louis le Débonnaire (814-840) : « Les évêques établiront un hôpital pour recevoir les pauvres, et leur assigneront un revenu suffisant, aux dépens de l’église. Les chanoines y donneront la dîme de leur revenu, même des oblations, et un d’entre eux sera choisi pour gouverner l’hôpital, même au temporel. Les chanoines iront, au moins en carême, laver les pieds des pauvres : c’est pourquoi l’hôpital sera tellement situé qu’ils puissent y aller aisément ».

Une salle de l'Hôtel-Dieu de Paris. Gravure du XVIe siècle

Une salle de l’Hôtel-Dieu de Paris. Gravure du XVIe siècle

La conclusion donnée à ce proverbe est que si l’on ne veut pas avoir à recommencer un compte, il faut l’établir avec celui qui y est aussi intéressé. Compter sans son hôte signifie donc s’exposer à se tromper. On se prépare ainsi de nombreuses désillusions, quand on forme seul des projets dont l’exécution est subordonnée à la volonté d’autrui. Que de gens se flattent souvent d’obtenir un résultat avantageux, sans réfléchir que d’autres personnes peuvent y apporter obstacle.

Ne faut-il pas aussi dans cette vie tenir compte des maladies, des accidents de toutes sortes qui entravent à chaque instant tous nos projets ? Les fréquents démêlés des voyageurs avec leurs hôtes, quand il s’agit de régler leurs comptes, ont dû donner lieu à ce proverbe.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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