LA FRANCE PITTORESQUE
Point d’argent, point de Suisse
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Publié le samedi 17 décembre 2011, par Redaction
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On n’a rien sans argent
 

Ce proverbe, employé depuis longtemps, nous fait remonter à l’époque où la Suisse, qui n’entretenait pas de troupes soldées sur le pied de paix, autorisait ses jeunes soldats à se mettre au service des puissances étrangères. On connaît le rôle important que les Suisses ont joué au XVe et au XVIe siècles lors des guerres faites par les Français en Italie.

La plupart du temps les mercenaires étaient payés fort irrégulièrement, quand ils l’étaient ! Ils se payaient alors eux-mêmes et le plus souvent par le pillage toléré ou autorisé sur la population ennemie. Quant aux soldats Suisses, il n’en était pas ainsi : les engagements n’étaient pas individuels, mais se faisaient par compagnies recrutées dans le pays. Dans ces compagnies le pillage était interdit ; le chef assurait une solde régulière aux soldats et même l’exigeait sous peine de résilier l’engagement. On a été jusqu’à dire qu’il leur était arrivé quelquefois d’exiger leur solde au moment de la bataille, menaçant de s’éloigner si on ne les satisfaisait pas sur-le-champ.

Citons à l’appui des lignes précédentes un fait historique qui a dû donner lieu à notre proverbe : « Sous Charles VIII, Louis XII et François Ier, des compagnies de Suisses, formant un effectif d’environ 10000 hommes se mirent au service de la France et combattirent pour lui conquérir le Milanais. Mais, si les Suisses étaient de bons soldats, ils voulaient être payés régulièrement. En 1522, la solde promise ne leur ayant pas été remise, ils quittèrent l’Italie, ce qui contribua beaucoup à faire perdre le Milanais à la France. »

Voici, du reste, le passage emprunté aux Mémoires de Du Bellay, où il est question de cette campagne dans laquelle le maréchal de Lautrec avait le commandement en chef :

« Quelques jours après, estant le seigneur de Lautrec à Monche, vindrent vers luy (vinrent vers lui) les capitaines des Suisses qui luy (lui) firent entendre que les compagnons estoient ennuyez (étaient ennuyés) de campeger (camper) et qu’ils demandaient de trois choses l’une, argent ou congé d’eux retirer ou bien qu’il eust (eût) à les mener au combat promptement, sans plus temporiser. Le seigneur de Lautrec les pria d’avoir patience pour quelques jours, parce qu’ils espéroient vaincre leurs ennemys sans combattre ou, pour le moins, les combattre à leur avantage, estant leurs ennemys contraints d’abandonner leur fort par famine et que de les aller assaillir dedans leur fort, c’estait faict contre toutes les raisons de la guerre. Mais quelques remonstrances qu’ils leur pussent faire, jamais n’y eut ordre de les divertir (faire changer) de leur opinion et toujours persistèrent d’aller au combat ; autrement, le lendemain, ils estoient délibérés de leur en aller. »

Voici quelques vers, tirés d’une pièce intitulée : L’embarras du choix (Acte Ier, scène IX) d’un auteur appelé Boissy, qui ont trait à I’argent et, par conséquent, se rapportent au proverbe en question :

Je méprise les biens, mais peut-on s’en passer ?
Non. Malgré qu’on en ait, il faut en amasser :
Le plus ou moins d’argent nous fait ce que nous sommes,
Et c’est par sa valeur que l’on compte les hommes.
On respecte, on honore un coquin opulent
Et l’honnête homme pauvre est mort civilement.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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