LA FRANCE PITTORESQUE
Une centralisation étatique
préfigurant la banqueroute
(Éditorial du 14 juin 2010 paru dans le N° 35 de
La France pittoresque - juillet/août/septembre 2010)
Publié le lundi 5 décembre 2011, par Redaction
Imprimer cet article

Vouant une inébranlable confiance dans l’exercice de la liberté, l’économiste et homme politique bayonnais Frédéric Bastiat, trop conservateur pour les républicains, trop républicain pour les conservateurs, dépeint vers 1850 au fil de pamphlets pédagogiques confinant parfois à l’ingénieuse fable satirique, les sophismes contemporains et vices à venir d’un État-Providence dont il déplore l’interventionnisme s’accentuant, et qu’il regarde comme la « grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».

N° 35 de La France pittoresque (juillet/août/septembre 2010)

N° 35 de La France pittoresque
(juillet/août/septembre 2010)

Réformateur résolu, farouche partisan de l’assurance sociale, il annonce dans ses Harmonies économiques les effets pervers d’une centralisation étatique d’associations ouvrières pour l’heure libres et dont les membres exercent, avec succès, une surveillance vigilante mutuelle : « Supposez que le gouvernement intervienne. (...) Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs. On verra des formalités sans nombre s’interposer entre le besoin et le secours. (...) Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu’ils administrent, qu’ils alimentent, et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s’accoutumeront à regarder le secours en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d’un fonds limité préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la Société.

« Ils n’admettront par pour elle l’impossibilité de payer, et ne seront jamais contents des répartitions. L’État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget ». Conséquence inéluctable, « les abus iront toujours croissant, et on en reculera le redressement chaque année, comme c’est l’usage, jusqu’à ce que vienne le jour de l’explosion. Mais alors on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance ».

Condamné à prodiguer d’illusoires promesses, car d’une part accusé d’impuissance s’il refuse d’assouvir les exigences des citoyens, d’autre part fustigé lorsque pour s’aviser d’y répondre il frappe la population de taxes redoublées, l’État démocratique se trouve réduit à « user du crédit, c’est-à-dire dévorer l’avenir » – pis-aller éphémère évoquant selon Bastiat « le spectre de la banqueroute » – avant de lancer une ultime offensive pour se maintenir et prévenir une révolte qu’il sent sourdre : « il étouffe l’opinion, il a recours à l’arbitraire, (...) il déclare qu’on ne peut administrer qu’à la condition d’être impopulaire ». Un discours prémonitoire ?...

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE