LA FRANCE PITTORESQUE
Polluer plus pour gagner plus,
véritable credo industriel
(Éditorial du 8 juin 2009 paru dans le N° 31 de
La France pittoresque - juillet/août/septembre 2009)
Publié le lundi 5 décembre 2011, par Redaction
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Esquisse d’une véritable politique environnementale visant à prévenir les nuisances olfactives et visuelles générées par la jeune industrie, l’arrêté de février 1806 du préfet de police de Paris classe en trois catégories les fabriques selon leur toxicité, à l’instigation de Chaptal, ministre de l’Intérieur démissionnaire qui attire l’attention sur l’imminence d’un bras de fer opposant les industriels aux riverains mécontents d’odeurs qu’ils jugent délétères émanant de leurs usines : les plus dangereuses doivent être éloignées des habitations, les plus incommodes sont tolérées, les plus insalubres sont placées sous surveillance, cependant que le Conseil de salubrité, gestionnaire de la santé publique créé en 1801, se doit d’enquêter avant toute nouvelle implantation.

N° 31 de La France pittoresque (juillet/août/septembre 2009)

N° 31 de La France pittoresque
(juillet/août/septembre 2009)

Si ces mesures, étendues à tout l’Empire dès 1810, permettent dans un premier temps d’endiguer la pollution en contenant les émanations, en élevant les cheminées et en enterrant les eaux usées, elles s’avèrent bientôt insuffisantes pour contrer d’une part l’ampleur de la croissance industrielle, d’autre part une urbanisation non réglementée incitant la population à paradoxalement encercler les sites des manufactures. En 1881, selon l’avocat Maxime Napia, il est des industries pouvant devenir « de terribles foyers d’infection épidémique » ou exposer les maisons environnantes « à des risques continuels d’explosion ou d’incendie ».

Quand certaines « sont susceptibles d’émettre des vapeurs désastreuses pour les fruits de la terre », d’autres « ruinent à tout jamais la santé du personnel qu’elles emploient. (...) Laissé libre, sans aucun contrôle, l’usinier, talonné par une concurrence chaque jour plus acharnée, ne songera souvent qu’à réduire ses frais généraux au strict indispensable et négligera, par suite, les mesures d’hygiène les plus élémentaires ».

Plaintes et pétitions nombreuses adressées à l’Administration préfectorale et aux corps élus aboutissent en 1932 à la promulgation de la loi Morizet prohibant l’installation d’une usine de première ou deuxième classe dans les zones réservées aux habitations, mettant enfin en accord urbanisme et législation des établissements classés, alourdissant les pénalités encourues par des industriels qui ne peuvent plus ignorer les déchets qu’ils rejettent dans l’atmosphère.

Deux siècles après que Chaptal ait soulevé de prééminentes questions liées au développement durable, l’ampleur de la tâche demeure colossale...

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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