LA FRANCE PITTORESQUE
Incantations à la moralisation financière :
combat de façade voué à l’échec
(Éditorial du 9 décembre 2008 paru dans le N° 29 de
La France pittoresque - janvier/février/mars 2009)
Publié le dimanche 4 décembre 2011, par Redaction
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Régulièrement stigmatisée, la spéculation excessive sur les valeurs boursières, sempiternel héraut d’une crise économique mettant en péril la santé du commerce et de l’industrie d’une nation, fut maintes fois mais en vain combattue, qui par décrets, qui par chambres de justice, qui par pieuses incantations exhortant à une moralisation du monde financier.

N° 29 de La France pittoresque (janvier/février/mars 2009)

N° 29 de La France pittoresque
(janvier/février/mars 2009)

Ainsi, pour le sénateur sous la IIIe République Oscar de Vallée dans Les manieurs d’argent, « ce sont les mœurs qu’il faut mettre en bataille, et pour refaire les mœurs, il faut employer l’exemple, qui agit à la fois sur celui qui le donne et sur ceux qui le reçoivent. Je sais que ce remède n’est pas nouveau, mais il est excellent parce qu’il crée l’émulation de l’honnêteté et du bien, et qu’il enlève au vice la faveur et les caresses de l’opinion. On peut juger aujourd’hui, comme à Rome, le sort d’une société, quand de toutes parts on y répète cette sentence d’Ennius : On ne s’informe pas d’où viennent les richesses, il suffit d’être riche ». Et de citer Juvénal : « Nous sommes en toutes choses des imitateurs dociles, nous le sommes surtout dans le mal et la dépravation ».

Notre sénateur y voit l’obligation, pour ceux qui ont plus d’avantages, de répandre autour d’eux le goût et l’exemple du bien : si ceux que La Bruyère appelaient les grands n’existent plus, « il y a toujours dans une société, si démocratique qu’elle soit, des hommes supérieurs aux autres par le pouvoir, par l’intelligence, par la fortune », dont la foule cherche à prendre les mœurs. Selon de Vallée, le peuple est cet enfant dont parle Juvénal : « si on allume dans son cœur le désir des richesses par des conseils et par des exemples ; si on lui persuade qu’il a la liberté de doubler son patrimoine par la fraude et qu’on lâche toutes les rênes à cette vile passion, il est à tout jamais gâté ; on ne le ramènera pas vers le bien, et méprisant les avis, il passera toutes les bornes ; si au contraire, on met devant ses yeux des maisons sans tache et exemptes de vice, il prend le goût de cette propreté morale dont veut parler le poète ».

Mais l’incapacité à élever une infranchissable barrière séparant les honnêtes gens des agioteurs n’est-elle pas imputable au fait que, comme nous le rappelle Vauvenargues, l’ « on traite la morale comme on traite la nouvelle architecture, où l’on cherche en toutes choses la commodité » ?

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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