LA FRANCE PITTORESQUE
Ersatz de liberté pour des
citoyens rançonnés et traqués
(Éditorial du 12 décembre 2007 paru dans le N° 25 de
La France pittoresque - janvier/février/mars 2008)
Publié le dimanche 4 décembre 2011, par Redaction
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S’interrogeant en 1895 dans La Revue hebdomadaire sur l’impôt en France, Maurice Talmeyr s’insurge contre la « vie surveillée, timbrée, visée, poinçonnée, sur toutes ses faces, dans tous ses coins », décorée du nom de Liberté. Si malgré les entraves, le contribuable parvient à s’enrichir, « il ne dispose pas de son argent, n’a pas le droit de le laisser à qui bon lui semble, et ses enfants eux-mêmes ne peuvent pas le recueillir sans en abandonner quelque chose au fisc. Le gendarme, le percepteur, l’huissier, la contrainte ou le procès-verbal sont là à chacun de ses pas ».

N° 25 de La France pittoresque (janvier/février/mars 2008)

N° 25 de La France pittoresque
(janvier/février/mars 2008)

Vitupérant contre ces ministres, députés et sénateurs brûlant, pour gagner leur traitement, de « découvrir les veines où nous n’avons pas encore été saignés », il compare les Français « à ces soldats d’autrefois qui supportaient sans révolte les costumes et les équipements les plus torturants et les plus lourds, et couchaient toute leur vie avec leurs bottes ou dans leur chemise de fer, sans songer à le trouver extravagant. Si patients que nous soyons, on pourrait cependant essayer de nous soulager, mais on s’ingénie au contraire à nous écraser de plus en plus. On nous remet, tous les ans, quelques kilos sur les épaules, et quelques liens aux chevilles et aux poignets. Tant que nous remuons on nous garrotte, et tant que nous ne tombons pas on nous charge ».

Et de s’indigner de ce « despotisme tracassant » qui serait supportable « si nous avions, en retour, soit un gouvernement sûr, soit un état social tranquillisant, soit quelque sujet de gloire ou de rêve capable de nous consoler ou de nous bercer, soit même une saine vie matérielle bien assurée, la simple et grossière certitude du râtelier », avant de conclure que nous n’avons « ni le brillant, ni le solide, ni l’illusoire, ni le réel. Nous sommes le peuple à qui on demande le plus pour le servir le plus mal. Nous souffrons pour qu’on nous vole, nous payons pour qu’on se moque de nous, et nous devons encore, par-dessus ce mauvais marché, avoir l’air de nous croire libres, et nous dire en République, tout en n’ayant plus aucune des libertés courantes et naturelles de la vie ».

Légitimant l’action des tenants du pouvoir, le suffrage universel ne serait-il devenu entre leurs mains qu’un machiavélique moyen de réhabiliter l’expression « taillable et corvéable à merci », employée pour désigner, dans le régime féodal, les serfs sous la coupe du seigneur ?...

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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