LA FRANCE PITTORESQUE
Quand Sots corrompus
et trompeurs gouvernent le monde...
(Éditorial du 11 juin 2007 paru dans le N° 23 de
La France pittoresque - juillet/août/septembre 2007)
Publié le dimanche 4 décembre 2011, par Redaction
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Dans La satire en France au Moyen Age, Charles Lenient qualifie en 1893 le Vieux-Monde d’une des meilleures soties politiques. Écrite au début du XVIe siècle, elle met en scène Monde, vieillard décrépit, ennuyé, qui tousse, crache, baille et se voit conseiller par Abus, s’apitoyant sur ses fatigues et le cajolant, de prendre du repos. Il finit par se coucher, Abus étant chargé de tout conduire pendant son sommeil et appelant à lui la bande des Sots, ses amis.

N° 23 de La France pittoresque (juillet/août/septembre 2007)

N° 23 de La France pittoresque
(juillet/août/septembre 2007)

Le premier qui accourt est Sot Dissolu, habillé en homme d’Église, l’œil allumé, le teint vermeil ; Abus lui donne Sot Glorieux pour compagnon, fanfaron bruyant, vêtu en gendarme, criant d’un air comiquement terrible : « A cheval, sus en point, en armes ! ». Puis Sot Corrompu, au nez fin, à la démarche discrète sous sa robe de procureur ; Sot Trompeur, avec sa grosse face béate et sournoise de marchand ; Sot Ignorant, grand niais qui va chantant un refrain sans le comprendre. Enfin Sotte Folle, enragée brouillonne, qui persuade aux autres sots de tondre le vieux Monde endormi. Le bonhomme tondu semble si laid qu’on le chasse honteusement ; mais l’assemblée des Sots convenant de bâtir un autre monde sans qu’il y ait consensus, Abus propose de lui donner pour fondement Confusion ; lui-même dirigera les travaux à titre d’architecte, chaque sot fournissant son pilier à l’édifice avec les vices de son état.

Sot Corrompu ne peut s’accommoder de Justice ; on va chercher Corruption, qui loge au Palais. Sot Trompeur entasse l’un sur l’autre Usure, Larcin et Fausse Mesure. Cependant Sot Ignorant, qui dans la pièce de l’auteur représente le peuple, s’impatiente et se plaint qu’on l’oublie. On lui propose Innocence, Simplicité, Obéissance ; mais il n’en veut point, et préfère Murmure, Fureur et Rébellion. Ces piliers debout, on place dessus une grosse boule, le Monde Nouveau, les sots engageant un débat pour savoir qui possédera la main de Sotte Folle, avant de culbuter, dans leur empressement, le frêle édifice fraîchement élevé. Furieux, Abus les renvoie tous dans le sein de leur mère, Confusion. Le théâtre est jonché de débris. Le Vieux Monde reparaît et déplore l’imprudence des jeunes sots.

Et Lenient de voir en la chute de ce monde improvisé par les sots, une condamnation des chimères et promesses trompeuses auxquelles s’était laissé prendre tant de fois l’opinion publique. Ainsi s’écoulent les siècles, confortant l’hypothèse de l’éternel retour déjà chère aux Stoïciens...

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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