LA FRANCE PITTORESQUE
« Prêt-à-penser » façonnant
l’esprit des foules
(Éditorial du 12 décembre 2006 paru dans le N° 21 de
La France pittoresque - janvier/février/mars 2007)
Publié le dimanche 4 décembre 2011, par Redaction
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« C’est seulement dans les livres qu’on voit le rationnel guider l’histoire », affirme en 1881 l’esprit curieux et indépendant Gustave Le Bon, sociologue notoire doublé du brillant scientifique dont le célèbre Einstein reconnut notamment le rôle de précurseur en matière de théorie sur l’énergie atomique.

N° 21 de La France pittoresque (janvier/février/mars 2007)

N° 21 de La France pittoresque
(janvier/février/mars 2007)

Dans sa Psychologie des foules, il décrypte les arcanes de l’art de faire pénétrer idées et croyances, reposant d’une part sur l’affirmation pure et simple qui, concise, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, a d’autant plus d’autorité, d’autre part sur la répétition et la contagion.

Selon lui, « les hommes d’État appelés à défendre une cause politique quelconque, les industriels propageant leurs produits par l’annonce, savent la valeur de l’affirmation », qui n’a cependant d’influence réelle qu’à la condition d’être constamment répétée, de façon « à s’établir dans les esprits au point qu’ils finissent par l’accepter comme une vérité démontrée ». Puis la contagion s’opère, par simple imitation : « Semblable aux animaux, l’homme est naturellement imitatif. L’imitation est un besoin pour lui, à condition bien entendu, que cette imitation soit tout à fait facile.

« C’est ce besoin qui rend si puissante l’influence de ce que nous appelons la mode. Qu’il s’agisse d’opinions, d’idées, de manifestations littéraires, ou simplement de costumes, combien osent se soustraire à son empire ? Ce n’est pas avec des arguments, mais avec des modèles qu’on guide les foules. A chaque époque il y a un petit nombre d’individualités qui impriment leur action et que la masse inconsciente imite. Il ne faudrait pas cependant que ces individualités s’écartassent par trop des idées reçues. Les imiter serait alors trop difficile et leur influence serait nulle ».

Le corollaire est de « rendre tous les hommes d’un même pays et d’une même époque à ce point semblable que, même chez ceux qui sembleraient devoir le plus s’y soustraire, philosophes, savants et littérateurs, la pensée et le style ont un air de famille qui fait immédiatement reconnaître le temps auquel ils appartiennent », la contagion étant « si puissante qu’elle impose aux individus non seulement certaines opinions mais encore certaines façons de sentir ». A l’heure de la pensée unique et du pilonnage médiatique, triviales mamelles d’un débat électoral déliquescent, ces propos ne résonnent-ils pas d’un confondant écho ?...

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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