LA FRANCE PITTORESQUE
Monde moderne et monde du
Moyen Age : nihil novi sub sole...
(Éditorial du 12 juin 2006 paru dans le N° 19 de
La France pittoresque - juillet/août/septembre 2006)
Publié le dimanche 4 décembre 2011, par Redaction
Imprimer cet article

Le Moyen Age fut l’œuvre et le domaine de l’Église. De même que les excès du gouvernement sacerdotal avaient soulevé l’opposition du pouvoir civil, l’excès de ce dernier suscita au XIVe siècle, l’opposition de l’opinion populaire.

N° 19 de La France pittoresque (juillet/août/septembre 2006)

N° 19 de La France pittoresque
(juillet/août/septembre 2006)

Montrant combien les contemporains s’estiment mal gouvernés, une parabole (Gesta Roman., ch. 144) de l’époque « sur l’état actuel du monde » met en scène un roi dont le royaume subit un tel changement, que tout à coup le bien y fit place au mal, le vrai au faux, le fort au faible, le juste à l’injuste. Surpris, le souverain interroge quatre philosophes des plus habiles qui, après mûre délibération, donnent chacun trois réponses.

Le premier : « Le pouvoir est l’injustice, et c’est ce qui fait que la terre est sans loi. Le jour est la nuit, et c’est ce qui fait que la terre est sans route. La fuite est le combat, et c’est ce qui fait que le royaume est sans honneur ». Le deuxième : « Un est deux, et le royaume est sans vérité. L’ami est ennemi, et le royaume est sans fidélité. Le mal est le bien, et cette terre est impie ». Le troisième : « La raison est sans frein, et le royaume est sans nom. Le voleur est le prévôt, et le royaume est sans argent. L’escarbot veut voler aussi haut que l’aigle, et tout est confusion dans le pays ». Le dernier : « La volonté est le seul conseiller ; mauvais régime. L’or dicte les arrêts ; gouvernement détestable. Dieu est mort ; il n’y a plus que des pécheurs ».

Ces douze réponses sont suivies d’une moralisation comportant notamment des allusions aux revers de Crécy (en 1346) et de Poitiers (en 1356, le roi Jean II le Bon étant fait prisonnier), à la corruption des consciences et des mœurs, aux déprédations fiscales, aux licences de la raison, aux espérances chaque jour plus menaçantes du tiers-état. Ainsi, au sujet de la proposition « l’or dicte les arrêts », le commentaire avertit le lecteur que s’il se présente devant le juge avec une mauvaise cause, mais avec de l’argent, le juge est pour lui ; qu’il en est ainsi devant les officialités, en cour de Rome, et même au tribunal de la confession : « Quels que soient tes péchés, montre de l’or à ton juge, et il t’absoudra, quand même il n’en aurait pas le droit ». On lit également que jadis, les clercs, par leurs bons exemples, montraient le chemin de la patrie éternelle, mais qu’à peine en est-il maintenant un seul marchant dans cette voie.

Jamais n’avait éclaté un tel concert d’accusations. Autres temps, autres mœurs, prétend le proverbe. Les lambeaux d’une Ve République viciée feraient-ils donc figure d’exception ?...

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE