LA FRANCE PITTORESQUE
De l’indispensable apprentissage
éclairé de l’Histoire
(Éditorial du 8 mars 2004 paru dans le N° 10 de
La France pittoresque - avril/mai/juin 2004)
Publié le dimanche 4 décembre 2011, par Redaction
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Si le monde politique mesure dès la Révolution tout l’intérêt d’une prééminence de l’éducation historique dans la légitimation de son pouvoir, c’est la IIIe République qui fait de l’École le porte-drapeau d’un élan patriotique jugé vital en 1870. Déjà obligatoire, l’enseignement de l’Histoire se propose dès lors d’inoculer aux élèves une mémoire collective et d’éveiller en eux une conscience nationale.

N° 10 de La France pittoresque (avril/mai/juin 2004)

N° 10 de La France pittoresque
(avril/mai/juin 2004)

Figure de proue de cette nouvelle donne éducative, l’académicien Ernest Lavisse en plaide avec ferveur la nécessité : « Qui donc enseigne en France ce qu’est la patrie française ? Ce n’est pas la famille où il n’y a plus de discipline, plus d’autorité, plus d’enseignement moral, ni la société où l’on ne parle des devoirs civiques que pour les railler. C’est donc à l’école de dire aux Français ce qu’est la France, qu’elle le dise avec autorité, avec persuasion, avec amour ».

De cet instrumentalisme érigeant la pietas erga patriam au rang d’incontournable ferment de l’esprit républicain, naît une façon bientôt brocardée d’enseigner l’Histoire, ramenant notre passé à cette longue série de dates traumatisant des générations d’élèves, brossant une sombre fresque de la société sous l’Ancien Régime, imposant l’ingestion de poussiéreuses et rebutantes biographies d’hommes et de femmes dont la vie ne saurait pourtant se résumer à d’hermétiques décisions politiques et militaires. Peu représentative de la vie de nos ancêtres et du monde les ayant portés, guère attrayante, cette vision réductrice et monolithique de l’Histoire a ses limites : n’éduquant nullement, elle produit un citoyen piteusement ignorant.

Encouragée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’érudition historique est aujourd’hui la digne fille d’un savoir encyclopédique pourtant vilipendé par les instructions officielles. Mais faut-il rappeler qu’avant d’être vécue comme un véritable pensum par les écoliers, elle est distillée par des professeurs dont on pourrait dire, comme Boileau, que les « pensées sont d’un nuage épais toujours embarrassées », eux aussi sous la férule de diplômes sanctionnant prioritairement une formation pétrie d’accumulation de connaissances ?...

Il importe d’instaurer enfin l’apprentissage éclairé de l’Histoire, garant d’un exercice de l’esprit critique aujourd’hui en péril et pourtant corollaire d’une démocratie se réclamant vertueuse. Puisse le très prôné « dégraissage du mammouth », accorder à la narration des mœurs et anecdotes ayant modelé notre passé, une place que d’austères faits d’armes et successions de règnes ont trop longtemps accaparée !

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
La France pittoresque

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