LA FRANCE PITTORESQUE
Faire une chose
à bâtons rompus
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Publié le vendredi 16 novembre 2018, par Redaction
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Faire une chose de manière désorganisée, avec de fréquentes interruptions
 

Cette expression proverbiale signifie faire une chose non par manière de jeu, comme on pourrait se l’imaginer, mais bien, à diverses reprises et après de fréquentes interruptions, comme l’emploie J.-J. Rousseau, dont voici la phrase : « Selon ma coutume paresseuse de travailler à bâtons rompus. »

Dans le dictionnaire de Trévoux (1771) on trouve que bâton rompu est une façon de tapisserie, qui représente plusieurs bâtons rompus et entremêlés l’un dans l’autre. On en fait aussi des ornements d’architecture, de menuiserie et de vitrage en manière de bâtons rompus. L’expression technique est donc bien rendue par les lignes et les bâtons qui se brisent pour s’enlacer. On retrouve cette expression proverbiale dans ces phrases du Pantagruel de Rabelais :

« Tant luy desohicqueteroys ses habillemens a baston rompuz, que le grand diole en attendroyt l’âme damnée à la porte. Nos ieusnes feurent terribles et bien espouventables, car le premier iour nous ieusnasmes a baston rompuz, le second a espées rabatues, le tiers a fer esmoulu, le quart a feu et a sang. » (Autant lui déchirerait ses habillements à bâtons rompus, que le grand diable en attendrait l’âme damnée à la porte. Nos jeûnes furent terribles et bien épouvantables, car le premier jour nous jeûnâmes à bâtons rompus, le second à épées rabattues, le troisième à fer émoulu, le quatrième à feu et à sang)

On peut très bien expliquer comment l’expression à bâtons rompus, qui a été d’abord appliquée à un objet a pu être attribuée à une action. On dit donc faire une chose à bâtons rompus, pour dire qu’elle s’est faite après plusieurs reprises et avec des interruptions par assimilation à ces façons de tapisseries dont il a été question plus haut.

Au XVIe siècle, il paraît que l’on employait ces mots : A heures rompues, pour expliquer qu’une chose avait été faite avec des interruptions. Si donc, on en est venu à ne plus employer les mots : à bâtons rompus, comme allusion aux dessins d’une tapisserie, cette expression a dû prendre avec sa propre signification celle de : à heures rompues, dans laquelle elle est le plus souvent employée.

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