LA FRANCE PITTORESQUE
Dormir la grasse matinée
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Publié le lundi 21 novembre 2011, par Redaction
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Dormir la matinée toute entière, c’est dormir la grande matinée, c’est faire de longs sommes qui ont pour conséquence d’engraisser le corps.

On retrouve cette idée dans les auteurs les plus anciens. Cicéron a dit : dormire in multam diem, dormir jusqu’en plein jour.

Au XIIIe siècle, on disait la grans matinée. Voici un exemple qui se trouve dans un recueil des contes de cette époque :

Elles vont chascun jour au moustier oïr messe ;
Mais c’est près de midi, por ce qu’il n’aient presse,
Car el se couchent tart ; por ce fault qu’on les lesse
Dormir grans matinées por norrir en leurs gresse.

Elles vont chaque jour entendre la messe au couvent ;
Mais c’est près de midi pour qu’il n’y ait pas de presse,
Car elles se couchent tard ; et il faut qu’on les laisse
Dormir grasse matinée pour nourrir leur graisse.

Le changement de grans matinée en grasse matinée a dû s’opérer avant la fin du XVIe siècle, puisqu’on ne retrouve plus depuis cette époque nulle trace de cette ancienne expression. On en rencontre un exemple dans l’ouvrage de Leroux de Lincy sur les proverbes (tome II) : « Qui dort grasse matinée dort toute la journée. » Et un autre tout aussi concluant dans ces deux vers du poète Régnier (satire VI) :

Ha ! que c’est chose belle et fort bien ordonnée,
Dormir dedans un lict (lit) la grasse matinée !

Les Espagnols disent : Hacer plazer al sueno qui signifie : Faire plaisir au sommeil, expression assez originale et même élégante. Cette pensée rappelle ces trois vers adressés par Vergier à La Fontaine :

Il laisse à son gré le soleil
Quitter l’empire de Neptune
Et dort tant qu’il lui plaît au sommeil.

On se servait encore autrefois de cette autre locution proverbiale : Faire honneur au soleil, c’est-à-dire le laisser lever le premier.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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