LA FRANCE PITTORESQUE
Attendez-moi sous l’orme
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Publié le lundi 21 novembre 2011, par Redaction
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C’est donner un rendez-vous à quelqu’un avec l’intention de ne pas s’y trouver
 

Au temps de la féodalité, on plantait souvent un orme devant la porte des manoirs ou châteaux comme à l’entrée des églises. La place où se trouvait cet arbre était devenue un endroit de réunion où l’on s’amusait et où l’on dansait. Les magistrats (dans ce temps-là il n’y avait pas de tribunal) venaient même y rendre la justice, et il arrivait quelquefois que les plaideurs qui devaient se présenter devant eux ou s’y faisaient attendre ou manquaient de comparaître à ces séances judiciaires, établies en plein air, et qu’on appelait les plaides (plaidoyers) de la porte.

La mauvaise volonté qui motivait ces absences a donné lieu à l’expression employée par les gens qui n’acceptaient pas un rendez-vous et qui répondaient à une invitation : Attendez-moi sous l’orme cette petite phrase, devenue proverbe, a suggéré l’idée au poète Regnard, de composer une comédie avec ce titre Voici les deux vers que l’on y trouve :

Attendez-moi sous l’orme ;
Vous m’attendrez longtemps.

On retrouve, du reste, cette phrase sous la plume de plusieurs écrivains ; ainsi, Madame de Sévigné (1626-1696), parlant des juges de l’inquisition, s’exprime (tome VIII) : « Le cardinal Pétrucci les attend sous l’orme ; ils n’osent l’attaquer, parce qu’il a de l’esprit et du savoir joints à une grande dignité. »

Dans la première partie de Gil Blas, publié en 1715, deux interlocuteurs échangent ces paroles : « Vous n’avez, ajouta le fils de Lucinde, qu’à nous attendre sous les saules, nous ne tarderons pas à vous venir rejoindre. – Seigneur, don Raphaël, m’écriai-je en riant, dites-nous plutôt de vous attendre sous l’orme. Si vous nous quittez, nous avons bien la mine de ne vous revoir de longtemps. »

D’après ces explications, il serait facile de réfuter l’erreur de quelques personnes qui ont cru que la comédie de Regnard avait été faite à cause du proverbe, tandis que c’est le contraire et bien le proverbe qui a inspiré la comédie. De nos jours, on ne se sert plus de ces mots qu’au figuré ; l’usage de planter un orme devant les églises ou les châteaux ayant disparu depuis longtemps.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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