L’argent prêté vous fait bien souvent des ennemis quand il s’agit de le rendre
Il est fâcheux de dire qu’en prêtant de l’argent à un ami, on s’expose à s’en faire quelque jour un ennemi, car tout le monde n’est pas assez riche pour faire le sacrifice de l’argent prêté.
Une personne qui veut puiser dans votre bourse vous accable, en général, de bonnes paroles. A-t-elle obtenu ce qu’elle désirait ? Elle évite votre présence et, quand vous lui parlez de remboursement, elle fait promesses sur promesses ; puis les réalise le plus tard possible et presque toujours à regret. Il est, en effet, très singulier que l’argent qu’on a eu tant de plaisir à prêter, coûte aux autres tant de peine à rendre. On a fait autrefois trois vers qui dépeignent bien la situation du débiteur récalcitrant :
L’argent dans notre bourse entre agréablement, Mais le terme venu que nous devons le rendre, C’est lors (alors) que les douleurs commencent à nous prendre. |
Cette répugnance a existé dans tous les temps. Ce proverbe paraît être pris à cette pensée de Plaute (Trinummus, IV, acte 4, scène 3) :
Si quis mutuum quid dederit, Cum repetit, inimicum amicum beneficio invenit suo |
dont voici la traduction : « Si vous redemandez l’argent que vous avez prêté, vous trouverez souvent que d’un ami votre bonté vous a fait un ennemi. » Un auteur ancien a dit ces paroles : Plusieurs évitent de prêter non par dureté, mais dans la crainte qu’on ne les trompe sans scrupule. Effectivement, la mauvaise foi des emprunteurs fait que la bonne volonté des prêteurs se ralentit et l’on peut répéter ces vers avec un de nos poètes :
Justes humains me sera-t-il permis De ne rien prêter à personne ? Ce que je prête, je le donne. Et qui pis est, j’en fais des ennemis. |
Les Anglais disent : Qui prête son argent à son ami perd au double, c’est-à-dire l’argent et l’ami. Il parait qu’en Espagne les prêteurs ne sont pas mieux traités qu’ailleurs, car voici comment on exprime la même idée : Qui prête, ne recouvre ; s’il recouvre, non tout ; si tout, non tel ; si tel, ennemi mortel.
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