Si Baronius soutient que, selon d’anciens manuscrits, la fête de l’Assomption fut instituée vers le Ve siècle, tant en Occident qu’en Orient, nous savons que Clovis Ier, roi des Francs, fit bâtir, en 504, à Strasbourg, une magnifique église sous le titre de l’Assomption de la sainte Vierge, et que selon Grégoire de Tours elle avait cours au moins dès le VIe siècle, prenant une dimension particulière au XVIIe lorsque Louis XIII place le royaume de France sous la protection de la Vierge
Saint Grégoire de Tours rapporte que, de son temps (VIe siècle, on croyait, tant en Occident qu’en l’Orient, que la sainte Vierge, aussitôt après sa mort, avait été enlevée au ciel, en corps et en âme. Cette croyance, s’écrie-t-il, au concile de Paris, en 577, est universelle : d’anciennes et vénérables traditions l’attestent, nous ne pouvons nullement en douter.
Les Grecs célèbrent cette fête sous le nom de Transition, ou Passage de la Mère de Dieu à l’immortalité ; les Latins, sous le nom de l’Enlèvement ou de l’Assomption. Saint Jean Damascène la nomme le Sommeil de Marie ; les Cophtes, les Moscovites, les Maronites : le Repos de la sainte Vierge. D’autres peuples l’appellent la Déposition, le Couronnement, le Triomphe, la Résurrection de la Vierge Mère de Dieu. Benoît XIV prouve que toutes ces différentes dénominations ne signifient qu’une et même chose : l’Assomption de la Mère de Dieu.
Le Voeu de Louis XIII. Peinture de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1824)
Saint Ildefonse et saint Jean Damascène, suivant d’anciens calendriers, assurent que cette fête fut célébrée, aux six premiers siècles, le 18 janvier. On lit aussi, au martyrologe de saint Jérôme, de saint Cyriac, de Willebrord, de saint Vandregégile etc., qu’elle était universellement chômée le 18 janvier, sous le titre de Dormition ou Sommeil de la Mère de Dieu. Il est certain aussi que, vers la fin du VIe siècle, cette fête fut, dans quelques églises, transférée du 18 janvier au 15 août : Maurice, empereur d’Occident, approuva cette translation, et ordonna de la célébrer ce jour dans toutes les églises de son empire. Ce qui bientôt fut imité par plusieurs évêques de l’Occident. Les capitulaires de l’empereur Louis le Débonnaire, de l’an 817, mettent le jour de l’Assomption au 15 Août, et, dès le commencement du Xe siècle, elle fut presque universellement célébrée ce jour.
L’octave de l’Assomption ne se célébrait pas encore à Rome, en 847. Au début de son pontificat, Léon IV l’institua en 847 à l’occasion d’un fait légendaire : tout près de l’église de Saint-Luc, il y avait dans un repaire sombre et humide un basilic qui tuait par son souffle empesté tous ceux qui en approchaient ; le pape, au jour même de l’Assomption, accompagné de tout son clergé et précédé de l’image de la sainte Vierge, se rendit auprès du gîte de cet animal dangereux ; là il se mit en prières et ordonna à tout le monde de l’imiter : sa prière fut exaucée, et depuis ce jour le basilic disparut totalement, sans que jamais on ait entendu parler de nouveaux malheurs.
Un très ancien Ordre romain rapporte qu’aux Vêpres de la Vigile de l’Assomption on porte sur un brancard préparé à cet effet, dans l’église de Saint-Laurent-de-Latran, une image du Christ, et qu’à minuit on part en procession pour se rendre à Sainte-Marie. Les rues sont nettoyées, les maisons illuminées ; le concours du peuple est immense. Dès qu’on est arrivé aux marches de l’église on y dépose la statue ; une foule d’hommes et de femmes, fléchissant le genou et se frappant la poitrine, viennent aux pieds de cette image, chantant en cadence, per numerum, cent fois Kyrie eleison, cent fois Christe eleison, et cent fois encore Kyrie eleison ; puis la procession s’avance vers l’église de Sainte-Marie-Majeure, où la Messe est célébrée.
Durand de Mende dit que de son temps on bénissait des herbes et des fleurs recueillies en ce jour même de l’Assomption, parce que dans la légende de la fête, la bienheureuse Marie est comparée à la rose et au lys. Les Grecs, selon le chevalier Ricaut, sont persuadés que le jour de l’Assomption « toutes les rivières du monde se rendent en Egypte pour faire hommage au Nil, comme au roi des fleuves... Ils croient que les débordements du Nil sont une continuelle bénédiction du ciel sur l’Egypte, en récompense de la protection dont le Sauveur du monde et sa sainte Mère y jouirent contre la persécution de l’impie et perfide Hérode. »
En France, la solennité de l’Assomption prit un caractère de fête plus grande lorsque Louis XIII choisit ce jour pour mettre sa personne et son royaume sous la protection de Marie, par sa déclaration donnée à Saint-Germain-en-Laye le 10 février 1638. Ce pieux monarque débute ainsi : « Dieu qui élève les rois au trône de leur grandeur, non content de nous avoir donné l’esprit qu’il départ aux princes de la terre pour la conduite de leurs peuples, a voulu prendre un soin si spécial et de notre personne et de notre Etat, que nous ne pouvons considérer le bonheur du cours de notre règne, sans y voir autant d’effets merveilleux de sa bonté que d’accidents qui pouvaient nous perdre. »
Après avoir rappelé les bienfaits dont il se reconnaît humblement reconnaissant envers Dieu, par l’intercession de la Vierge, il termine ainsi : « A ces causes nous avons déclaré et déclarons que prenant la très sainte et glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre Etat, notre couronne et nos sujets, la suppliant de vouloir nous inspirer si sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis, que soit qu’il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur de la paix, que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce, qui conduisent à celles de la gloire
« Nous admonestons le sieur archevêque de Paris, et néanmoins lui enjoignons que tous les ans, le jour et fête de l’Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente déclaration à la grand’messe qui se dira en son église cathédrale, et qu’après les Vêpres dudit jour il soit fait une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes les compagnies souveraines et les corps de ville, avec pareilles cérémonies que celles qui s’observent aux processions générales les plus solennelles. »
Même injonction est faite à tous les prélats du royaume, afin que dans toute la France il soit fait une procession semblable. La déclaration se termine par les paroles suivantes, qui méritent une mention textuelle : « Et d’autant qu’il y a plusieurs églises épiscopales qui ne sont point dédiées à la Vierge, nous exhortons lesdits archevêques, en ce cas, de lui dédier la principale chapelle desdites églises pour y faire ladite cérémonie, et d’y élever un autel avec un ornement convenable à une action si célèbre, et d’admonester tous nos peuples d’avoir une dévotion particulière à la Vierge, d’implorer en ce jour sa protection, etc. ». Le vœu de Louis XIII a été renouvelé, en 1738, par Louis XV.
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