LA FRANCE PITTORESQUE
Fête des Omelettes (Hautes-Alpes)
(D’après « Le Magasin pittoresque », paru en 1836)
Publié le lundi 7 avril 2014, par Redaction
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Il est dans les Hautes-Alpes un village niché au sein d’une vallée si encaissée que ses habitants, privés de la lumière directe du soleil pendant près d’un tiers de l’année, célébraient avec force omelette le retour de l’astre généreux...
 

Au sein de la commune de Guillaume-Peyrouse — ancienne commune ayant fusionné en 1963 avec Clémence-d’Ambel pour former l’actuelle commune de la Chapelle-en-Valgaudémar —, canton de Saint-Firmin (Hautes-Alpes), se trouvait le village des Andrieux, situé près des rives de la Severaise. Les pauvres habitants qui y faisaient leur demeure étaient privés pendant cent jours du soleil, dont les rayons ne descendaient pas jusqu’au fond de leur vallée..

Aussi, le jour où l’astre lumineux faisait-il son retour, célébraient-ils cet événement par une fête dont nous extrayons les détails que nous allons en donner d’un récit fait en patois du pays.

Fête du retour du soleil

Fête du retour du soleil

Dès que la nuit a disparu et que l’aube vermeille se répand sur le sommet des montagnes, quatre bergers du hameau annoncent cette fête au son des fifres et des trompettes. Après avoir parcouru le village, ils se rendent chez le plus âgé des habitants qui préside à la cérémonie, et qui, dans cette circonstance, porte le nom de vénérable. Ils prennent ses ordres et recommencent leurs fanfares en prévenant tous les habitants de préparer une omelette.

Chacun alors s’empresse d’exécuter les ordres du vénérable. A dix heures, tous, munis d’omelettes, se rendent sur la place, et une députation, précédée des bergers qui font de nouveau entendre leurs instruments champêtres, se rend chez le vénérable, afin de lui annoncer que tout est préparé pour commencer la fête : elle l’accompagne au lieu de la réunion, où il est reçu par les nombreuses acclamations de tous les habitants.

Le vénérable se place au milieu d’eux, et après qu’il leur a rappelé l’objet de la fête, tous forment une chaîne et exécutent autour de lui une farandole, leur plat d’omelette à la main. Le vénérable donne ensuite le signal du départ. Les bergers continuent à jouer de leurs instruments, et l’on se met en marche, dans l’ordre le plus parfait, pour se rendre sur un pont de pierre qui se trouve à l’entrée du village.

Arrivé là, chacun dépose son omelette sur les parapets du pont, et l’on se rend dans le pré voisin, où les farandoles ont lieu jusqu’à ce que le soleil arrive. Dès que sa lumière commence à les éclairer, les danses finissent, et chacun va reprendre son omelette qu’il offre à l’astre du jour. Le vieillard élève son plat vers l’horizon, tête nue. Aussitôt que ses rayons sont répandus sur tout le village, le vénérable annonce le départ, et l’on rentre dans le même ordre.

On accompagne le vénérable chez lui ; après quoi chacun se rend dans sa famille où l’on mange l’omelette. La fête dure tout le jour et se prolonge même dans la nuit. On se rassemble encore vers le soir, et plusieurs familles se réunissent ensuite pour festiner. Ainsi se termine cette fête où président la gaieté et les amusements les plus innocents, et où les habitants du hameau témoignent avec une si simple piété leur bonheur de revoir la lumière qui fertilise leurs champs, verse de toutes parts la joie, l’espérance, et embellit le monde.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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