LA FRANCE PITTORESQUE
Duels avant la Révolution de 1789
(d’après un article paru en 1843)
novembre 2001, par Redaction
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L’usage des duels proprement dits s’est introduit chez nous vers le règne de Charles VIII ; mais au XVIe siècle et au XVIIe, la fureur de ces combats singuliers, qui, la plupart du temps, n’étaient que d’infâmes guets-apens, fut portée au plus haut degré. « Mettez trois François aux déserts de Lybie, dit Montaigne, ils ne seront pas un mois ensemble sans se harceler et s’esgratigner. »

On peut voir d’après les Mémoires contemporains de Brantôme, de d’Aubigné, de l’Estoile, de Tallemant des Réaux, qu’il n’y a peut-être pas un nom illustre parmi les gentilshommes de la cour de France, depuis François Ier jusqu’à Louis XIV, qui ne soit terni par une ou plusieurs histoires de duels dégénérant en assassinats. « En mars 1607, dit l’Estoile, M. de Loménie supputa combien il avoit péri de gentilshommes françois par les duels, depuis l’avènement de Henri II en 1589, et il s’en étoit trouvé quatre mille de compte fait ; ce qui, pour un espace de dix-huit ans, donne au-delà de deux cent vingt par an ».

On songea alors à réprimer sérieusement cette sanglante monomanie qui décimait la noblesse et enlevait à l’Etat ses plus intrépides défenseurs. Henri IV et Louis XIII rendirent plusieurs ordonnances qui furent illusoires, jusqu’au moment où Richelieu sut s’en faire une arme terrible contre l’aristocratie, et en cela il fut secondé par l’opinion publique.

Dans les premières années de Louis XIII, un aventurier breton, nommé Jean Chenel, sieur de La Chappronnaye, et descendant du célèbre Beaumanoir, prétendit avoir fait la rencontre en Sicile d’un ermite qui lui prédit que la France périrait si l’on n’y abolissait pas le duel. Dès lors le gentilhomme s’occupa ardemment des moyens d’empêcher la prédiction de s’accomplir. Il crut enfin avoir trouvé un remède efficace dans l’établissement d’un ordre de chevalerie dont tous les membres, bons gentilshommes, braves et adroits aux armes, feraient voeu de ne jamais accepter de cartel et de poursuivre sans pitié les duellistes connus.

Les statuts de ce nouvel ordre furent imprimés à Nantes en 1614, et, dans un autre ouvrage très rare intitulé Les Révélations de l’ermite sur l’état de la France (1617), La Chappronnaye raconte qu’il se rendit à Paris pour supplier Louis XIII de se déclarer le chef de son ordre, et qu’il en reçut verbalement, avec le titre de chevalier de la Madeleine, l’autorisation de porter la marque distinctive de l’ordre, dont le fondateur paraît avoir été le seul membre. La décoration consistait en une croix d’or émaillée de rouge, représentant d’un côté l’effigie de saint Louis, et de l’autre celle de sainte Madeleine.

Un trait caractéristique termine ce livre, et montre que le réformateur lui-même ne cherchait qu’une occasion de commettre le délit qu’il voulait faire cesser. « J’offre, dit-il au roi, le combat contre celui qui voudra tenir le parti du duel (seul à seul, les armes à la main, en la place qu’il vous plaira nous ordonner), afin de maintenir que le duel est une action indigne d’un homme de bien et d’honneur, d’un fidèle François et d’un homme de courage ».

Louis XIV se montra au moins aussi rigoureux contre les duellistes que Richelieu, mais il concourut plus d’une fois lui-même à la violation de ses propres ordonnances. Les duels recommencèrent de plus belle sous le régent qui ne fit rien pour les réprimer, et sous Louis XV et son successeur. La Révolution produisit une nouvelle sorte de duels, les duels politiques.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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