LA FRANCE PITTORESQUE
25 janvier 1800 : traité d’El-Arich
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Publié le lundi 23 novembre 2009, par LA RÉDACTION
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L’armée d’Egypte, après le départ du général Bonaparte, commença à envisager sa situation avec un profond sentiment d’inquiétude. Sans communication avec la France, sans espoir de recevoir des secours, elle voyait s’épuiser les ressources du pays qu’elle occupait, l’inimitié des habitants s’accroître, les maladies affaiblir ses rangs, les armées ennemies se grossir et se multiplier autour d’elle. S’il n’eût fallu que se frayer un chemin pour rentrer en France, rien ne l’eût arrêtée ; mais il fallait franchir les mers, et les mer étaient au pouvoir des Anglais. Elle était pleine de confiance dans Kléber, son nouveau chef ; mais Kléber lui-même voyait s’évanouir de jour en jour les chances de salut, et ne croyait pas que son armée pût se maintenir en possession de l’Egypte. Dans une proclamation qu’il adressa à l’armée, à la fête du 1er vendémiaire, il disait : « Nos drapeaux, braves compagnons d’armes, se courbent sous le poids des lauriers, et tant de travaux demandent un terme, tant de gloire exige un prix. » Ces paroles du clief avaient été avidement recueillies ; presque toute l’année pensait avec lui qu’il fallait un terme à tant de travaux, et ce terme ne pouvait plus être que l’évacuation de l’Égypte.

Cependant, depuis que Kléber avait pris le commandement en chef, la fortune s’était montrée fidèle à ses drapeaux. Le général Verdier près de Damiette, le général Zayenkjek, le général Desaix dans la haute Égypte, avaient dignement soutenu la supériorité de nos armes. Les Turcs n’avaient obtenu qu’un succès, et ils l’avaient dû uniquement à la trahison qui leur avait livré El-Arich. C’est sur ce point que s’avança le vizir Méhémet-Pacha avec une armée de soixante à quatre-vingt mille hommes. L’armée française était bien inférieure en nombre ; car il résulte d’un rapport que Kléber adressait au Directoire, qu’en continuant d’occuper les différents postes qui assuraient sa position en Egypte, il ne pouvait pas réunir sur un point plus de sept mille hommes. C’était assez pour triompher des forces du visir ; mais à quel résultat ce triomphe pouvait-il conduire ? De nouvelles armées se reformeraient pour disputer la possession de l’Egypte et comment les Français, affaiblis par leurs triomphes même, pourraient-ils soutenir la lutte contre des masses sans cesse renaissantes ? Kléber pensa qu’il valait mieux conserver à la France cette brave armée, et profiter du moment où elle offrait encore une force imposante, pour obtenir une capitulation avantageuse. Il se décida donc à entrer en arrangement pour l’évacuation de l’Égypte ; les Turcs empressèrent d’accueillir ces ouvertures. Après quelques pourparlers avec l’amiral anglais Sidney-Smith, les plénipotentiaires français et turcs s’assemblèrent à El-Arich, et signèrent le 24 janvier un traité qui contenait les dispositions suivantes : « L’Égypte sera évacuée ; les troupes turques rentreront dans les places de Sabahieh, Catieh, Belbeis, Damiette ; l’armée française retournera dans les ports de France, tant sur ses bâtiments que sur ceux qui lui seront fournis par la Porte : cette puissance délivrera, d’accord avec la Grande-Bretagne, les passe-ports, saufs-conduits et convois nécessaires pour assurer le retour des Français dans leurs foyers. Il y aura un armistice de trois mois en Égypte. »

Cette convention fut conclue par les soins et sous les auspices de sir Sidney-Smith, commodore anglais, revêtu du caractère de ministre plénipotentiaire de l’Angleterre près la Porte Ottomane. Cependant il eut soin de n’intervenir officiellement dans le traité ni comme agent diplomatique, ni comme commandant militaire. Les plénipotentiaires français agissaient sans défiance, et ne réclamèrent point cette intervention ; ils s’aperçurent trop tard qu’avec de tels ennemis il n’y a point de garantie à omettre.

Quand les stipulations du traité furent en pleine exécution, que la plupart des forts furent remis aux Turcs, les Anglais calculèrent les avantages qu’ils trouveraient à ne point, ratifier la capitulation ; ils comptaient que l’Égypte serait entièrement, occupée par les Turcs quand leur refus arriverait,. et que l’année française, réduite à s’embarquer, tomberait en leur pouvoir. Un de leurs écrivains (Walter-Scott) s’exprime ainsi 4 ce sujet : « Le gouvernement britannique refusa de ratifier ce traité, attendu que sir Sklney-Smith avait dépassé ses pouvoirs en ce point, et que lord Elgin ayant été nommé plénipotentiaire près de la Porte, les fonctions de sir Sidney se trouvaient révoquées ; tel était du moins le prétexte mis en avant. Le vrai motif était que les succès récents de Suwarow donnaient l’espoir de pénétrer jusqu’aux frontières de la république, et que l’arrivée de Kléber avec son armée dans le midi de la France pouvait avoir un effet décisif sur les événements de la guerre. Lord Keitl, qui commandait dans la Méditerranée, reçut donc l’ordre de refuser le passage à l’armée française. »

Tels furent, de l’aveu même d’un écrivain anglais, les prétextes frivoles dont on colora une lâche et odieuse perfidie. Lord Keith, dans une lettre adressée à Kléber, annonça la résolution de son gouvernement, et les Turcs s’empressèrent d’imiter cette déloyauté. Kléber indigné met à l’ordre de l’armée la lettre de lord Keith, en l’accompagnant seulement de ces deux lignes : « Soldats, nous saurons répondre à une telle insolence par des victoires. Préparez-vous à combattre ! Ses soldats étaient tout prêts ; la bataille d’Héliopolis fut une réponse digne d’eux et du général qui les commandait. — Ch.

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