LA FRANCE PITTORESQUE
Paille (La) et la poutre : une illustration
explicite du proverbe biblique
(D’après « Histoire de la caricature et du grotesque
dans la littérature et dans l’art », paru en 1867)
Publié le jeudi 10 février 2011, par Redaction
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Quand les artistes graveurs du XVIe siècle traitent les sujets de l’Écriture, ils essayent généralement de revêtir les personnages d’un ancien costume oriental imaginaire, mais les paysages sont remplis de châteaux et de donjons modernes, d’églises et de monastères de l’Europe occidentale. N’appartenant qu’à moitié au Moyen Age, ils tombent souvent aussi, comme leurs prédécesseurs, dans la caricature involontaire, par l’exagération ou la naïveté de leurs compositions, explique Thomas Wright dans son Histoire de la caricature
 

Il est un sujet qu’ils semblent s’être entendus pour traiter d’une manière inintelligente, renchérit-il. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus, en condamnant les jugements précipités touchant les actions d’autrui, dit (Matthieu, VII, 3-5) :

Gravure de Bernard Salomon (figure 1)

Gravure de Bernard Salomon (figure 1)

« Et pourquoi remarques-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et ne fais-tu pas attention à la poutre que tu as dans le tien ? Comment vas-tu dire à ton frère : Laisse-moi retirer la paille de ton œil, lorsque toi, tu as une poutre dans le tien ? Hypocrite que tu es, commence par ôter la poutre qui est dans ton œil, et alors tu y verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

De quelque manière que l’on entende cette poutre que l’homme n’apercevait pas dans son propre œil, à coup sûr ce n’était pas une énorme pièce de charpente.

Ce fut pourtant dans ce sens littéral que des artistes du seizième siècle traduisirent l’allégorie. L’un d’eux, Bernard Salomon, fit pour le Nouveau Testament une suite de gravures sur bois, qui furent publiées à Lyon en 1553 ; La figure 1 est empruntée à l’une des illustrations de ce livre. L’individu assis est l’homme qui a une paille dans l’œil ; le personnage debout la lui montre du doigt ; à quoi le premier riposte en montrant la poutre, qu’à vrai dire il eût été difficile de ne pas voir, tant elle est grosse.


Gravure de Daniel Hopfer (figure 2)

Environ treize ans auparavant, un artiste d’Augsbourg, Daniel Hopfer, avait publié sur le même sujet une grande gravure en taille-douce, dont nous donnons (fig. 2) une copie réduite. L’homme qui voit la paille dans l’œil de son frère est évidemment un médecin ou un chirurgien, et en cette qualité, il s’occupe de la lui extraire ; seulement, l’organe visuel de l’Esculape est affligé d’une poutre de dimensions encore plus extraordinaires que dans l’autre exemple, et, bien que le fait semble échapper à la fois au docteur et au patient, il est évident que le groupe qui est un peu plus loin contemple la chose avec étonnement.

L’édifice qui accompagne la scène paraît être une église dont les vitraux sont ornés de peintures de saints.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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