 |
Etre le dindon de la farce
()
Publié le dimanche 1er novembre 2015, par Redaction
|
Être la victime ridicule dans une affaire
Vient de ce que le dindon est toujours la victime, de quelque manière qu’on le farcisse. On joue ici sur le mot dindon, qui se prend dans le sens de sot, et sur le mot « farce ».
Quelques personnes voient là une corruption de « être le dindon de la fable », faisant allusion à la fable VII du Livre premier de Jean-Pierre Claris de Florian, extraite des Fables de M. de Florian : de l’académie françoise, de celles de Madrid, Florence, etc. (1792) et intitulée Le singe qui montre la lanterne magique.
Le singe et la lanterne magique |
|
Le singe n’ayant pas allumé sa lanterne magique, le dindon affirme qu’il voit cependant quelque chose et se fait tourner en ridicule. Voici la fable :
Messieurs les beaux esprits, dont la prose et les vers Sont d’un style pompeux et toujours admirable, Mais que l’on n’entend point, écoutez cette fable, Et tâchez de devenir clairs. Un homme qui montrait la lanterne magique Avait un singe dont les tours Attiraient chez lui grand concours ; Jacqueau, c’était son nom, sur la corde élastique Damait et voltigeait au mieux, Puis faisait le saut périlleux, Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne, Le corps droit, fixe, d’à-plomb, Notre Jacqueau fait tout du long L’exercice à la prussienne. Un jour qu’au cabaret son maître était resté ! (C’était, je pense, un jour de fête) Notre singe en liberté Veut faire un coup de sa tête. Il s’en va rassembler les divers animaux Qu’il peut rencontrer dans la ville ; Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux, Arrivent bientôt à la file. Entrez, entrez, messieurs, criait notre Jacqueau ; C‘est ici, c’est ici qu’un spectacle nouveau Vous charmera gratis. Oui, messieurs, à la porte On ne prend point d‘argent, je fais tout pour l’honneur. A ces mots, chaque spectateur Va se placer, et l’on apporte La lanterne magique ; on ferme les volets, Et, par un discours fait exprès, Jacqueau prépare l’auditoire. Ce morceau vraiment oratoire Fit bailler ; mais on applaudit. Content de son succès, notre singe saisit Un verre peint qu’il met dans sa lanterne. Il sait comment on le gouverne, Et crie en le poussant : Est-il rien de pareil ? Messieurs, vous voyez le soleil, Ses rayons et toute sa gloire. Voici présentement la lune ; et puis l’histoire D’Adam, d’Ève et des animaux... Voyez, messieurs, comme ils sont beaux ! Voyez la naissance du monde ; Voyez... Les spectateurs, dans une nuit profonde, Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir ; L’appartement, le mur, tout était noir. Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles Dont il étourdit nos oreilles, Le fait est que je ne vois rien. Ni moi non plus, disait un chien. Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose ; Mais je ne sais pour quelle cause Je ne distingue pas très bien. Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne Parlait éloquemment et ne se lassait point. Il n’avait oublié qu’un point, C’était d’éclairer sa lanterne. |
Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

|
|